conclusion : annonce d’une guerre probable
On aura noté que cet essai ne propose aucune solution. Son objectif est plutôt de montrer que le problème des pratiques amateurs n’existe pas dans la réalité, ou, pour le dire autrement, que ce problème n’est qu’une invention rhétorique de certaines castes professionnelles dans le but de renforcer leurs privilèges.
On me dira : mais il existe pourtant un problème réel dans le monde des pratiques artistiques professionnelles – la crise des intermittents du spectacle en constitue le phénomène le plus apparent. Certes, sans doute. Mais je ne vois pas à quel titre j’irai proposer des solutions pour régler ce genre de problèmes. Sur le marché du travail, des professions apparaissent et disparaissent, subissent des crises ou au contraire des apogées. Je n’ai pas grand chose à dire à ce sujet, pas plus qu’au sujet de la crise de l’industrie textile française. Dans le cas de la crise des professions artistiques, il semble évident qu’il existe un abîme croissant entre l’offre et la demande, et ce pour des raisons diverses : paupérisation du public, augmentation du nombre de vocations professionnelles, concentration de l’industrie. Les intermittents du spectacle ne constituent pas un ensemble homogène, c’est le moins qu’on puisse dire, et, comme c’est souvent le cas sur un marché en crise, seuls les mieux installés dans la profession survivent.
En tant que créateur non-rémunéré, je ne vois pas pourquoi j’irai proposer des solutions aux créateurs rémunérés. Et je refuse tout aussi bien que ces derniers viennent me faire la leçon. On demande aux soi-disant amateurs de s’assumer comme tels ? Hé bien, que les professionnels assument déjà leurs choix sans chercher ailleurs des boucs émissaires. Qu’on n’aille pas, pour sauvegarder la situation de quelques uns, restreindre les libertés de tous les autres.
Tout comme, à l’occasion des débats sur les aménagements du droit des auteurs, on a pu entendre des voix inquiètes demander : « La création est-elle encore possible en 2005 ? »84, on peut s’attendre, à l’occasion des débats que ne manquera pas de susciter l’abrogation du décret de 1953, à ce que s’élèvent des voix pour déclarer la mort de l’art. La mort de l’art ?
En réalité, l’échec d’une profession qui, obnubilé par ses propres rites, n’a daigné considérer l’autre, le dit « amateur », qu’à partir du moment où il parvenait à rentrer dans le rang : un manque cruel de perspectives, un conservatisme à court terme, un mépris constant des masses85, oui, c’est bientôt la fin d’un certain monde de l’art.
Je ne suis pas sûr qu’on le regrette en fin de compte.
1La vérité oblige à dire que le nombre de musiciens professionnels a été multiplié par 4 depuis les années 80, et on pourrait en dire autant de la plupart des pratiques artistiques (source : Philippe Coulangeon, DEP, juin 2003, étude réalisée sur un échantillon de 1500 musiciens) : la première cause des difficultés rencontrées par les professionnels n’est pas l’augmentation du nombre de pratiquants amateurs, mais l’augmentation du nombre des professionnels.
2Montaigne, Essais, I, 17.
3Sur la manière dont l’artiste est perçu dans la société bourgeoise du XIXième siècle, on lira l’étude récente de Nathalie Heinch, L’Elite Artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Gallimard 2005.
4Toutefois, les critiques post-modernes du champ de l’art sont souvent eux-mêmes victimes d’une vision réductrice de l’activité artistique : ce qu’ils sont incapables de voir, ou de prendre au sérieux, c’est la pluralité extraordinaire des champs de la création, qui se déploient à côté des systèmes de l’art dominant. Un des premiers à avoir véritablement pris au sérieux cette réalité foisonnante est Howard Becker dans son ouvrage : Les mondes de l’art, Flammarion, 1988 [1982].
5L’essai de Pierre-Michel Menger, Portrait de l’artiste en travailleur, métamorphoses du capitalisme, Seuil 2002 décrit avec brio les transformations du statut et des stratégies des artistes professionnels, considérant qu’elles fournissent le modèle du futur travailleur dans le capitalisme contemporain. La limite de cette étude est qu’elle ne tient pas compte de la pluralité des pratiques artistiques, et notamment de tous ceux qui pratiquent leur art sans viser une professionalisation.
6J’emprunte cette expression à Michel Houellebecq, dans son poème Paris-Dourdan : « Une jeune fille fait des mots croisés / C’est une occupation du temps. »
7Florent Verschelde me fait remarquer que ces musiques dites « actuelles » appartiennent à des genres qui commencent à prendre de l’âge : dans les 60 ans pour le rock et le rhythm ‘n blues, plus encore pour la chanson française.
8Propositions pour préparer l’avenir du spectacle vivant, Ministère de la culture et de la communication, octobre 2004, fiche 7, p. 21.
9 op. cit.
10Plan pour une politique nationale et territoriale des musiques actuelles, 11 janvier 2006
11Je reprendrais ces descriptions de manière plus détaillée dans ma quatrième partie.
12La plupart des bars qui s’ouvrent à une programmation le font ou bien pour séduire une certaine clientèle, ou bien parce qu’ils sont des passionnés et qu’ils aiment la musique. Comme me le confiait un patron de bar qui monte une cinquantaine de concerts par an : « Le concert ne change rien à mon chiffre d’affaires : le gain que je fais sur une soirée concert, je le perds en frais d’organisation. Mais j’ai toujours rêvé d’organiser des concerts, donc je fais plaisir aux gens, mais je me fais aussi plaisir.»
13Voir la tribune à ce sujet de Bruno Massi publiée dans Libération du 28 février 2002 :
« La loi qui interdit de rémunérer des musiciens amateurs pousse de nombreux bars à stopper leur programmation. »
14Voir les chiffres des études publiées par le Département Études et Prospectives du ministère de la culture.
15Pour mesurer les enjeux des débats, consulter les nombreux articles publiés sur le site Framasoft (http://www.framasoft.com)
16J’emprunte cette expression à Florent Verschelde, Une histoire de mots : culture libre et libre diffusion, 2006, publié sur son site web : http://www.covertprestige.info/
17On a parlé des logiciels libres, mais pas à ma connaissance des œuvres artistiques sous licence de libre diffusion. Alors même que dans les interventions de certains députés, on retrouvait tels quels certains argumentaires publiés sur les sites consacrés aux musiques sous licence de libre diffusion.
18extrait d’un article publié sur le site du CISAC, Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et de Compositeurs.
19L’article d’Emma Pike a été publié dans le numéro de printemps 2005 du magazine M, consultable sur www.bmr.org.
20Voir mes remarques à ce sujet infra. chapitre IV, note 73, sur la vision réductrice et bornée qui soutient ce genre de perspective : celle de l’agent économique comme « idiot rationnel ».
21Téléchargeable sur le site du Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs : http://www.snac.fr/. Ce livre blanc ne doit pas être confondu avec celui publié quelques mois auparavant par plusieurs associations dont L’UFC Que Choisir, la Spedidam, l’Aful et l’APP et Musique-Libre.org. Les positions des deux livres blancs sont en opposition complète sur la question de la gestion des droits d’auteur sur internet.
22Comme le dit le Docteur Kasimir Bisou, « La métamorphose du « citoyen » en « public » est le paradis de l’artiste, mais c’est aussi une illusion dangereuse sur laquelle vivent trop d’acteurs de la politique culturelle. ». Voir son essai : La critique des politiques culturelles à l’aune de la « diversité culturelle, p. 10.
23Sur ces questions cf. le débat entre MENGER, P.-M. (1983), Le paradoxe du musicien : le compositeur, le mélomane et l’État dans la société contemporaine, Paris, Flammarion, et VEITL, A. (1997), Politiques de la musique contemporaine : Le compositeur, la « recherche musicale » et l’État en France de 1958 à 1991, Paris, Éditions L’Harmattan.
24Le texte de ce mémoire est lisible sur le site de l’association des oranges bleues, pour le théâtre amateur : http://assoc.orange.fr/les.oranges.bleues/memoireFB.htm
25Les métiers artistiques, Rapport d’information déposé par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée Nationale, par Christian Kert, 2004.
26Statistiques consultables en ligne sur le site de l’INSEE http://www.insee.fr/fr/ffc/Ipweb/2004/ip978/page01.htm
27Voir 4.2. l’horizon des pratiques amateurs.
28Lire à ce sujet l’essai magistral d’un ancien responsable de l’action culturelle qui publie sous le pseudonyme de Doc. Kasimir Bisou : La critique des politiques culturelles à l’aune de la « diversité culturelle » : « Il n’y a donc plus de place pour le citoyen : son destin est d’être soit consommateur libre sur le marché, soit « public fidèle » adoptant sans discussion les codes, valeurs et choix de compétences artistiques des acteurs spécialisés, soit « population d’individus » à rééduquer pour venir partager la culture des acteurs » (p. 11)
29Il y a évidemment de multiples manières de comprendre le projet d’une « démocratisation culturelle », cher à Malraux. Si on vise par là quelque chose comme : « Rendre accessible au plus grand nombre les oeuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France » (décret de constitution du ministère de la culture mai 2002), on conviendra sans peine que « le plus grand nombre » ne semble pas très sensible aux efforts faits pour les éduquer par les experts – ceux là mêmes qui déterminent ce qui est « capital » ou non. Le plus grand nombre, si l’on en croit les chiffres continue de préférer Lorie à Pierre Boulez. Ce qui se défend je trouve. Si par contre on considère que la démocratisation culturelle consiste d’abord à laisser aux gens la possibilité de se constituer leur propre culture, hé bien !, nous y sommes déjà, et depuis toujours en vérité. On peut trouver dommage que le plus grand nombre ne fréquente pas l’opéra, mais ce sentiment ne devrait pas permettre de mépriser les cultures de chacun des sujets qui compose ce plus grand nombre. On devrait même d’abord, avant de porter le moindre jugement et se poser en donneur de leçon, prescrire ce qui devrait être apprécié ou non, s’y intéresser.
30Je me suis toujours demandé ce à quoi pourrait bien ressembler un spectacle mort, mais passons…
31Code du travail : Article L762-1 (inséré par Loi n° 73-4 du 2 janvier 1973 Journal Officiel du 3 janvier 1973)
32Décret du 19 décembre 1953 relatifs à l’organisation des spectacles amateurs et leurs rapports avec des entreprises professionnelles (sic)
33Circulaire du 23 mars 2001, Ministère de la culture et de la communication, Les spectacles en amateur : la réglementation juridique et fiscale. Mon ami Florent Verschelde me signale qu’on pourrait presque parler ici d’un nouveau type de délit : « le spectacle en réunion ».
34Pour prendre un exemple que je connais bien (le mien), je suis en défaut vis-à-vis de la loi sur chacun de ces points : j’ai joué de nombreuses fois sur scène sous des noms d’artistes différents, en solo ou avec des amis musiciens, sans m’être constitué en association loi 1901, en n’ayant pour seuls revenus que le montant du RMI – ce qui n’est pas à proprement parler une « activité », et sans me soucier aucunement des lieux où se déroulaient les concerts : de fait j’ai eu la chance de me produire aux 4 coins de la France, c’est-à-dire bien au-delà de mon académie d’origine. Les organisateurs de ces spectacles, le plus souvent des bars-concerts et des associations de mélomanes, me remboursaient en général mes frais de déplacements, et m’offraient le gîte et le couvert, ce qui suffisait à mes besoins. La plupart des artistes que je connais n’agissent pas différemment.
35Article 7 alinéa 2. du décret du 10 août 1901 : ces remboursements sont autorisés s’il existe une décision expresse du Conseil d’Administration et si des justificatifs sont produits aux fins de vérification.
36Lire à ce sujet l’article de Guy Scarpetta, « Marché, culture et création : le grand retour des intermittents du spectacle », Le Monde Diplomatique, mai 2004.
37Rapport de la commission nationale des musiques actuelles à Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication (septembre 1998), annexe 1, p. 68.
38Idem.
39C’est vrai de la scène amateur, c’est aussi vrai de la manière dont les artistes indépendants se sont emparés de l’outil internet. Les lois visant à durcir la circulation des ouvres sur internet et à remettre tout le monde dans le rang (et si possible dans les rangs de la Sacem) apparaissent comme l’expression du désarroi d’un législateur dépassé par des pratiques privées, et qui tente de sauver ce qui peut l’être : un modèle professionnel, qui bien qu’en crise, semble constituer l’horizon indépassable des politiques culturelles.
40Notons qu’ici on ne dit plus que la totalité des revenus de l’amateur doivent être issus d’activités totalement étrangères à la musique, mais que seulement ses revenus principaux. La nuance laisse la part ouverte toute interprétation.
41Avant-projet de loi relatif à la participation des amateurs à des spectacles, Document de travail DMDTS – Version 15 mars 2006.
42Code du travail art. L 324-11 : « Les activités mentionnées à l’article précédent sont présumées, sauf preuve contraire, accomplies à titre lucratif lorsque leur réalisation a lieu avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ou lorsque leur fréquence ou leur importance est établie ou, s’il s’agit d’activités artisanales, lorsqu’elles sont effectuées avec un matériel ou un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel ou lorsque la facturation est absente ou frauduleuse. »
43Et encore : à l’occasion de la fête de la musique, beaucoup de groupes se produisent dans un bar – devront-ils retourner dans la rue, et jouer sans électricité ? J’ai à titre personnel une préférence pour les musiques acoustiques, mais je doute que les musiciens et une partie du public apprécient cette perspective (une fête de la musique débranchée).
44Art. 5. – Les étudiants ou stagiaires des établissements ou des personnes morales dont l’objet est de dispenser un enseignement supérieur ou d’organiser des actions d’insertion professionnelle dans le domaine du spectacle vivant peuvent ne pas être rémunérés lorsque leur participation à une production organisée dans un cadre lucratif fait partie du cursus de leur formation. Cette faculté est subordonnée à l’obtention par l’entrepreneur de l’agrément défini à l’article 4.
Art. 6. – Lorsque des enfants qui n’ont pas dépassé l’âge de la fréquentation scolaire obligatoire participent à des spectacles organisés dans les conditions définies à l’article 2, ces spectacles sont limités dans leur fréquence et dans leur nombre. Lorsque ces enfants participent à des spectacles organisés dans les conditions définies à l’article 4, les dispositions relatives aux modalités d’emploi fixées par le code du travail sont applicables à l’exception de celles relatives à la rémunération.
45… et, pour reprendre les mots de l’article 1, des pratiques exercées à titre de loisir – ce qui ne va pas sans poser des questions cruciales quant au respect par l’Etat des comportements privés et des préférences subjectives. Je développerai ce point dans ma quatrième partie.
46Dispositif pervers à mon avis, parce qu’il ne se déclare pas en tant que tel : il s’avance masqué, tout à fait à la manière des lois sur le droit d’auteur à l’ère numérique – le législateur est devenu un maître sournois, qui crée de toutes pièces des situations illicites en détournant l’attention par des manœuvres discrètes et subtiles, dont la signification échappe au commun des mortels : les bouleversements importants vont se nicher dans le détail des articles les plus anodins, des renvois de textes à textes font de la lecture de la loi un véritable labyrinthe, l’exception à la règle répond au clientélisme et au lobbying. On décourage le citoyen de tout effort afin d’interpréter la loi. C’est ainsi qu’une démocratie se délite en sombrant dans l’ésotérisme juridique.
47Voir le Décret no 2000-609 du 29 juin 2000 pris pour l’application des articles 4 et 10 de l’ordonnance no 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles.
48Ce point me laisse pantois : combien d’heures de répétitions sont censées représenter ce nombre suffisant ? Et que fait-on des musiciens qui improvisent, que fait-on des performers ? Il m’est arrivé bien souvent de jouer avec des musiciens, qui connaissaient mes chansons, mais sans que nous ayons répété auparavant. J’adore à titre personnel cette prise de risque, et jusqu’à présent, je n’ai pas entendu un spectateur s’en plaindre.
49On essaie là de créer de toutes pièces une différence de nature entre des spectacles, alors qu’évidemment, il se peut fort bien, et il arrive souvent, que certains mélomanes préfèrent assister à un concert d’Angil que de Michel Sardou.
50Je propose qu’on aille carrément plus loin : que sur chaque affiche annonçant un spectacle amateur soit inscrite un logo ou un signe distinctif, par exemple, une étoile jaune.
51Rapport de la commission nationale des musiques actuelles à Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication (septembre 1998), annexe 1, p. 72.
52Document qu’on trouvera sur le site du FORUMA (http://www.foruma.fr/), site sur lequel un débat passionnant a été engagé sur le sujet qui nous occupe. Je remercie d’ailleurs Xavier Bonnot de m’avoir alerté sur ces questions à la fin de l’année 2005 : sans lui, cet essai n’aurait pas vu le jour.
53Plus fort que le GEPAM, le SPAM (union nationale des syndicats d’artistes musiciens) considère que les propositions du gouvernement sont trop frileuses. A les lire, il faudrait tout bonnement supprimer les spectacles amateurs. Je vous laisse déguster cette prose haineuse :
« Après des mois d’attentisme le ministère de la Culture a relancé la réflexion sur la pratique amateur. Une réunion a eu lieu à ce sujet à la DMDTS. Le SNAM réaffirme ici ses positions. Il soutient le projet de modification du décret de 1953 adopté en septembre 1999 par notre Fédération. Il profite de cette renégociation pour réaffirmer un certain nombre de principes. Ainsi nous pouvons aujourd’hui mieux préciser ce que devrait contenir la réforme du décret de 1953 :
– une définition de ce qu’est un amateur : «une personne qui participe à la présentation au public des manifestations dramatiques, musicales, dramatico-lyriques, lyriques, chorégraphiques, de pantomimes, de marionnettes, de variétés, de cirques, etc. dont les membres ne reçoivent de ce fait aucune rémunération, mais tirent leurs moyens habituels d’existence de salaires ou de revenus étrangers aux diverses activités artistiques des professions du spectacle».
– préciser le champ dans lequel la pratique amateur se produit, en exclure l’ensemble des productions des spectacles relevant de l’ordonnance de 1945.
– préciser que l’absence de rémunération concerne également les défraiements qui «pourront leur être versés sur justificatifs et limités par le plafond reconnu par la Sécurité Sociale dès lors que le déplacement entre le lieu de résidence et le lieu de représentation dépasse 50 km AR».
– l’ensemble des artistes «professionnels» intervenant dans les spectacles amateurs seront salariés comme le prévoit l’application de l’article L. 762-1 du Code du travail concernant la présomption de salariat en respectant l’ensemble des tarifs conventionnels.
– les amateurs intervenant et engagés dans des spectacles professionnels se voient également appliquer la présomption de salariat et doivent donc être salariés en respectant les mêmes minima conventionnels.
L’application du décret de 1953 modifié donne la possibilité aux groupements d’amateurs de donner représentation de leur travail artistique. Ces groupements ne pourront présenter plus de 3 spectacles par an, chacun de ces spectacles comportera un maximum de 6 représentations pour l’année. Ces spectacles amateurs peuvent donner lieu à une billetterie prévue exclusivement pour financer l’activité de l’association et la faisabilité du spectacle (décors, costumes…).
Pour ce qui concerne l’achat et la vente de spectacles amateurs par des structures professionnelles il y a lieu d’appliquer intégralement l’ordonnance de 1945.
C’est bien sur ces bases que nous pourrons lutter contre la concurrence déloyale et défendre la présomption de salariat.
Lors de cette réunion à la DMDTS, l’organisation Conservatoires de France était présente et a développé longuement l’idée que pour des raisons pédagogiques ils dérogeaient à l’ensemble de ces dispositions. Ils ont affirmé qu’ils pouvaient être amenés à organiser 200 concerts d’élèves dans des salles extérieures au conservatoire.
Le SNAM ne peut justifier de telles affirmations et en aucun cas la pédagogie et l’éducation artistique ne justifient la dérogation aux règles de base prévalant au juste rapport entre pratiques amateurs et pratiques professionnelles. »
Motions adoptées au 16ème congrès du SNAM des 12 et 13 mars 2001.
54Catherine Tasca, déclaration du 28 février 2001.
55De la même manière, les seules associations d’amateurs consultées avant l’élaboration du projet de loi relatif à la participation des amateurs à des spectacles ont été les « Unions des Fanfares de France », la Confédération des Batteries Fanfares », et la fédération de chant choral « A coeur joie ». Voilà des associations très représentatives en effet de ce qu’a pu être la pratique musicale amateur disons.. avant l’invention du rock’n roll.
56J’emprunte cette expression (despotisme éclairé) à l’excellent essai du Docteur Kasimir Bisous déjà cité. Il est troublant de voir qu’une certaine partie des citoyens reproche parfois au gouvernement actuel d’être d’inspiration libérale. Une chose est sûre : dans le cas de la culture, l’Etat français n’a jamais été libéral. Libéral, ce gouvernement l’est peut-être quand il s’efforce de briser le droit du travail, et encore, il ne propose que les effets les plus désavantageux pour le travailleur de ces révision législatives. Quand il s’agit de la création, il ne l’est certainement pas. On aura compris qu’à titre personnel, je souhaiterais qu’il le soit.
57Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes – Essai d’anthropologie symétrique, La découverte 1991.
58« En rapportant toutes les vertus différentes à cette unique espèce de propriété [la prudence], Epicure se laissait aller à un penchant qui vient naturellement à tous les hommes, mais que les philosophes ont tendance à cultiver avec une prédilection particulière, pensant ainsi faire la preuve de leur ingéniosité : la tendance à expliquer tous les phénomènes par le moins de principes possibles » Adam Smith, La théorie des sentiments moraux (1759),
59« L’Etat et l’art. Un entretien avec Jane Alexander », Revue électronique de l’USIA, volume 3, numéro 1, juin 1998, repris sur le site d’information du gouvernement des Etats-Unis : http://usinfo.state.gov/fr/
Financement du secteur sans but lucratif de l’art aux Etats-Unis :
pourcentage par source :
Recettes 49,8%
Dons individuels 38,8%
Dons de fondations 3,5%
Dons d’entreprises 2,5%
Gouvernement local 1,5%
Gouvernement régional 1,5%
Gouvernement fédéral 1 %
(Informations fournies par l’organisme Americans for the Arts)
60J.-B. Chantoiseau, Le mécénat aux Etats-Unis, 2004, publié sur le site de l’association Artelio : http://www.artelio.org/. Lire également l’étude historique de Charles C. Mack, La politique culturelle aux Etats-Unis, publiée sur le site de la documentation de l’Unesco (http://unesdoc.unesco.org/ulis/)
61Et pourtant : nous montrerons dans le chapitre suivant qu’un secteur non-lucratif de l’art s’est développé depuis déjà des décennies en France, sans bénéficier d’aucune subside de l’Etat.
62Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan sur le projet de loi (n°678) relatif au mécénat et aux fondations. par M. Laurent Hénart, 12 mars 2003. Lire aussi l’interview de François Erlenbach et Patrice Marie sur le site de Paris-Art (http://www.paris-art.com/) : « Je crois qu’il y a d’abord un facteur déterminant d’incompréhension entre ces deux univers de culture professionnelle très différente : la méconnaissance de l’autre, ne serait-ce qu’en terme de vocabulaire. C’est pourquoi notre mission de médiation est essentielle et nous n’économisons pas les déplacements pour prendre la parole. Du côté des entreprises, le mécénat est devenu une composante de la stratégie et de la rentabilité, la motivation d’image est quelque peu périmée et n’est plus essentielle. Le souci de cohésion interne ainsi que l’implication sociétale s’imposent comme de nouveaux facteurs déterminants d’engagement, mais l’entreprise n’est pas pour autant philanthrope, par définition. La reprise de la croissance leur permet aujourd’hui de se projeter sur le moyen terme et de ne plus s’arc-bouter sur des contraintes immédiates de survie. Elles sont donc prêtes à mettre en œuvre de nouvelles pratiques de mécénat. Mais il ne faut quand même pas oublier que nous sortons à peine de plusieurs décennies du «tout Etat». Si il existe une spécificité française qui laissera toujours une place très large au financement public de la culture, il faudra du temps avant que les mentalités n’acceptent la complémentarité d’un financement privé dont les enjeux ne sont pas les mêmes. »
63Alexis de Tocqueville (1835), De la démocratie en Amérique , chapitre : « Comment les Américains combattent l’individualisme par des institutions libres ».
64J’entends par là indépendante aussi bien vis-à-vis des institutions que des circuits de diffusion et de distribution dominants.
65A tel point qu’on se demande parfois s’il n’y a pas un certain snobisme de la part des organisateurs de spectacle et du public, à préférer des groupes américains plutôt que des groupes français, dont les œuvres sont comparables.
66Je pourrais citer ainsi des artistes connus qui sont par ailleurs facteurs, enseignants, traducteurs, ingénieurs, informaticiens, graphistes, ébénistes, et même traders à la Bourse ! Sans compter les nombreux étudiants ou bénéficiaires du RMI.
67Les instruments de mesure font ici défaut, mais on peut tout de même noter que nombre de ces artistes suscitent régulièrement l’intérêt des médias et des mélomanes. Ces derniers auraient donc fort besoin d’être rééduqués afin de reporter leur intérêt vers les œuvres des professionnels : c’est comme le dit de manière étonnante le rapport de la commission nationale des musiques actuelles (1998) « un problème de santé publique » (p.68) – Je serais heureux qu’on m’explique ce que la santé vient faire là-dedans.
68Lire notamment les deux ouvrages majeurs dans ce domaine : Howard Becker, Les mondes de l’art, Champs arts 2005, première édition 1982, et Gary Alan Fine, Everyday Genius, University Of Chicago Press (2004).
69Je traduis par « foisonnant » le mot de Paul Feyerabend : « the world is abounding ».
70Les comédies « à la française » figurant souvent les réussites les plus marquantes de cette politique d’exception culturelle. Au sujet de l’exception culturelle, et pour un point de vue assez proche du nôtre, lire l’article détonnant de Christophe D’Hallivillée, Brian Holmes, Maurizio Lazzarato, Les intermittents et l’exception culturelle, publié sur le site de la revue Multitudes, octobre 2003, (http://multitudes.samizdat.net/).
71François Hers, La création, chaînon manquant des politiques culturelles contemporaines, in Collectif, L’art et la Société, Unesco 1998, p.54 ss. François Hers est l’initiateur de l’utopie, les Nouveaux commanditaires, http://www.nouveauxcommanditaires.org/.
72http://www.flickr.com/
73Je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce texte : « You can decide if this is a criticism of Flickr’s homogeneity, or it could be conformist performance art. For the most part, I’m probably just objectifying toothpaste in an unhealthy way. These images are methodically captured, lovingly hand-tagged and uploaded daily. This is more boring for me than it is for you. »
74La photographie, comme la musique, se prêtent bien, compte tenu des débits aujourd’hui disponibles sur internet, à la circulation des œuvres. L’accessibilité des outils photographiques et la relative facilité des apprentissages requis pour maîtriser ces outils, expliquent en partie le succès de cet art auprès des créateurs, quelle que soit leur connaissance des discours et des pratiques dominantes.
75http://www.musique-libre.org
76Le site archive.org, véritable monument du net, utilisé par des créateurs du monde entier, expose quant à lui environ 180 000 oeuvres (albums, textes, films, concerts etc…) tombées dans le domaine public ou en licence de libre diffusion.
77Ils ne sont donc pas membres de la SACEM, ou d’une société de perception des droits d’auteur. Ce point est important : j’ai déjà évoqué brièvement le rôle que jouent ces sociétés dans les circuits de légitimation institutionnels – elles prennent également une part très active dans les discussions sur la circulation des œuvres à l’ère d’internet, défendant une version restrictive des conditions de circulation, et menant un lobbying opiniâtre auprès des élus.
78Je connais peu d’artistes professionnels, en France tout du moins, qui ont adopté les licences de libre diffusion : sans doute parce qu’on considère qu’il serait irrationnel, compte tenu des difficultés de la profession, de se priver des revenus engendrés par les droits d’auteur. Les rares professionnels qui ont pris la peine de s’intéresser aux mondes des licence de libre diffusion font preuve de scepticisme quant à la pertinence de ces pratiques, et même parfois d’agressivité. Je ne résiste pas au plaisir de citer ces quelques mots d’un représentant de la profession, glanés sur un forum : « Alors oui il y a une sélection naturelle des artistes faite par l’industrie du disque, et ce depuis que la musique existe; tout comme le roi commandait auparavant des œuvres au meilleur compositeur de son temps et lui permettait ainsi de vivre par le mécénat. Les leaders de la gratuité, mis à par les petits bandits boutonneux masqués et les nostalgiques du goulag, sont aussi de vilains aigris qui ne veulent pas s’avouer qu’ils sont autant artistes que ma concierge, ma belle-mère ou ma grand-mère qui lorsqu’elles font du point de croix ou un joli dessin trouvent ça beau et ne comprennent pas que ça ne me fasse pas chialer ! » (Stéphane J., compositeur membre de la Sacem, message posté sur le forum de Framasoft.org)
79Ces artistes renommés ne sont jamais de nationalité française : les artistes professionnels français demeurent frileux vis-à-vis de ces outils, qui mélangent allègrement les créateurs sans marquer aucune différence entre les statuts des uns et des autres. Certains artistes venus des 4 coins du monde n’éprouvent au contraire aucune gêne à exposer leur travail et à se confronter au regard d’un large public – bien plus large en tous cas que ce que peut offrir une exposition, aussi importante soit-elle.
80La critique de la technique repose souvent sur ce genre particulier de technologies : la bombe atomique ou le système totalitaire, sur lesquels les sujets n’ont aucune prise. Cette critique doit être menée, évidemment, et avec force. Mais il serait intellectuellement limité de s’interdire, en raison de cette critique, l’examen des manières dont les êtres humains s’approprient certaines techniques – voire même la plupart. L’erreur logique consiste ici à penser la technique comme un tyran qui s’impose aux masses et en modifie les besoins et les comportements : alors que la technique se manifeste d’abord dans des outils, c’est-à-dire s’incarne dans des pluralités de relations et parfois des réseaux. L’outil, n’est pas une chose inerte donnée avant qu’un usager s’en empare : l’outil n’existe que dans les relations qu’on tisse avec lui. Les lecteurs de Bruno Latour reconnaîtront dans les remarques qui précèdent mon intérêt pour l’empire du milieu.
81Je préfère l’expression de l’économiste philosophe Amartya Sen : « idiots rationnels ». « L’homme purement économique est à vrai dire un demeuré social. La théorie économique s’est beaucoup occupée de cet idiot rationnel, drapé dans la gloire de son classement de préférence unique et multifonctionnel. Pour prendre en compte les différents concepts relatifs à son comportement, nous avons besoin d’une structure plus complexe. » « Des Idiots rationnels , critique de la conception du comportement dans la théorie économique », dans le recueil Ethique et économie, PUF, 1993.
82D’un point de vue pragmatique, on considère souvent qu’autoriser la libre diffusion des œuvres permet de favoriser leur promotion et la reconnaissance de leur auteur : lire à ce sujet Florent Vershelde, « Une histoire de mots : culture libre et libre diffusion » lisible sur son blog : http://www.covertprestige.info/ et Dana Hilliot, « la référence à l’art dans les débats en cours sur le droit de la propriété intellectuelle », lisible à l’adresse suivante : http://www.another-record.com/danahilliot/dana_writings/writings.htm.
83cf Sen, opus cité, p. 97ss.
84Intitulé d’un déjeuner de presse au Sénat en décembre 2004, initié par les lobbys de l’industrie du divertissement. Certains ne craignent pas le ridicule.
85Quand on voit aujourd’hui que certains « artistes » devenus tels par la grâce de quelques concours télévisuels, suscitent des subventions, cela donne à penser : la vocation artistique n’est plus ce qu’elle était, et les professionnels sont devenus tout de même moins regardants sur le parcours des membres qui composent leur caste..
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Remerciements :
Ce texte doit beaucoup aux discussions menées sur musique-libre.org, et j’en remercie tous les membres actifs sur les forums.
Un grand merci également à Florent Verschelde, Eric Aouanès, Eric-Marie Gabalda, et Emmanuel Sargos, de musique-libre.org, ainsi qu’à Xavier Bonnot de l’IRMA.
Ces réflexions doivent énormément à mon amie Delphine Dori, dont les travaux sur l’art brut et les arts outsider constituent une des toiles de fond de cet article.
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