(novembre 2009) – version PDF – version ODT
Ce courrier d’adresse aux personnes qui considèrent que la propriété intellectuelle constitue un sujet de débat pertinent aujourd’hui comme demain, et que « les licences libres et ouvertes » désignent des concepts et des pratiques susceptibles de nourrir ce débat. La lecture de cette lettre suppose qu’on dispose d’un minimum d’informations sur ces fameuses licences et les groupes militants qui les défendent, informations que je ne prendrais pas la peine de détailler. On trouvera de nombreux textes et de la documentation aisément accessible sur le net et ailleurs (Je republie régulièrement sur mon blog électrons libres des textes sur le sujet, mais il existe bien d’autres sites proposant ce genre d’archives).
Je vais essayer de m’exprimer simplement, quitte à simplifier mes descriptions et mes problématisations. Je ne le fais pas de gaieté de cœur, parce que j’estime qu’on ne devrait pas reculer devant la complexité argumentative quand elle est articulée à la complexité de la réalité. Mais voilà : je publie régulièrement sur ces thèmes depuis des années, et j’ai le sentiment qu’on ne prend jamais la peine de lire mes arguments soigneusement. Peut-être ma prose ne le mérite-t-elle pas ? C’est bien possible, même si je suis mal placé pour émettre un tel jugement. Peut-être est-ce que les militants ont besoin d’analyses suffisamment simples pour être en mesure de construire des projets et d’agir ? Je les comprends. Mais la situation actuelle dans le monde des militants du libre (expression bancale, mais dont on devra ici se contenter) me paraît justement relever d’un équilibre insatisfaisant entre d’une part, l’analyse de l’objet dont on parle (en l’occurrence, le monde ou les mondes des auteurs travaillant avec des licences libres ou ouvertes, ou au contraire inscrits dans une société de gestion collective de leurs droits) et les actions entreprises au nom de cette analyse ou des idéaux qui tiennent lieu d’analyse.
Un document assez symptomatique nous est donné sous la forme d’une compilation de textes (La Bataille anti-Hadopi, In libro Veritas, 2009) publiée à l’occasion des débats ayant eu lieu à l’Assemblée autour de la loi Hadopi, et se présentant ouvertement « contre » cette loi (finalement votée par les députés). Je n’entrerai pas dans le détail de ces textes, ni ne ferai une étude portant sur les auteurs qui se sont regroupés à cette occasion pour produire ce volume (quoiqu’il serait bien intéressant de démêler ces attelages assez baroques). Je voudrais juste relever quelques traits caractéristiques de ce genre d’ouvrage (de mon point de vue) :
1. La question des licences libres ou ouvertes est abordée dans ce volume. Ce n’est pas surprenant dans la mesure où une majorité des auteurs émargent plus ou moins à la sphère de la « militance du libre ». C’est plus surprenant si on considère que la loi Hadopi ne parle quasiment pas de licences libres ou ouvertes, et prétend apporter des solutions à des problèmes relevant de l’application stricte et contraignante du droit d’auteur – application que les licences libres ou ouvertes précisément corrigent et assouplissent, se présentant ainsi, tout à fait légitimement, comme des alternatives possibles aux interprétations du droit et aux pratiques majoritaires (dans le domaine des œuvres culturelles en tous cas).
2. Le volume présente une série de solutions à un problème qui effectivement constitue un des points centraux motivant en quelque sorte la loi Hadopi (une des motivations explicites et recevables en tous cas, les analystes les plus fins soupçonnant, à mon avis à juste titre, qu’on pourrait y déceler des intentions cachées et moins avouables). Ce qui suscite la loi, et ce à quoi certains militants du libre et d’autres essaient de répondre à leur tour, c’est à une situation qu’on décrira simplement comme : « la perte de revenus des auteurs depuis le développement des technologies facilitant la circulation des œuvres (notamment par internet) ». Autrement dit, le ministère de la culture, l’industrie du divertissement, les sociétés de gestion collective de droits d’auteurs, d’une part, et d’autre part, les partisans de la licence globale et/ou de la contribution créative, les instigateurs de la société d’acceptation des dons, les associations militantes du libre (p.e. musique-libre.org), les collectifs libristes (p.e. Libre accès), ou encore les éditeurs de contenus libres (p.e. In libro Veritas), partagent au moins avec leurs ennemis ce souci de la rémunération des auteurs, quand bien même leurs outils de pensée et les valeurs qu’ils défendent habituellement sont totalement différents : ils débattent et proposent des solutions au même problème. Il admettent d’emblée que ce problème de la rémunération est un problème réel. Que les lobbyistes en faveur de la loi Hadopi parte de cette sorte de constat et l’utilise comme une prémisse indépassable à toute politique de la culture (et donc : qui ne saurait être remise en question, sans quoi tout l’édifice sur lequel repose la loi s’écroule), cela n’étonnera personne : il s’agit simplement, pour des acteurs ayant bénéficié jusqu’à présent d’une situation extrêmement favorable de conserver leurs sources de revenus (voire de la consolider). Que les adversaires de la loi Hadopi, et notamment, parmi eux, les « militants du libre », partent également du même constat, et s’efforcent de proposer à leur tour des solutions, fussent-elles alternatives, fussent-elles fondées sur une autre interprétation des droits et devoirs des auteurs et des mélomanes : voilà qui au contraire ne manque pas d’étonner – ou : qui en tous cas m’étonne. On peut, ce qui est assez courant, utiliser à des fins rhétoriques le vocabulaire et la grammaire de celui à qui on s’oppose, mais adopter cette prémisse sans autre forme de procès, j’y vois là le véritable triomphe des partisans d’Hadopi, des lobbyistes voulant imposer une version encore plus contraignante du droit d’auteur.
Les études cherchant à démontrer ou à infirmer la réalité de cette supposée « baisse de revenus » des auteurs (« à cause des » des dernières technologies – cette causalité étant là aussi une pure « vue de l’esprit, mais généralement là aussi acceptée par l’un ou l’autre parti comme un fait indéracinable), existent, mais n’ont pas été jusqu’à présent concluantes. Elles ne concernaient d’ailleurs que les auteurs ou les industries a) qui perçoivent des revenus élevés grâce au commerce de leurs œuvres, et b) qui sont inscrits dans une société de gestion collective des droits d’auteur, et profitent d’une interprétation contraignante du code de la propriété intellectuelle et artistique. Il existe des études, notamment dans les pays anglo-saxons sur les créateurs de logiciel libre : elle montre qu’en général, ces auteurs perçoivent des rémunérations liées à d’autres activités, éventuellement dans l’informatique, mais pas seulement, et rarement liées au commerce du logiciel libre. Mais, et c’est là ce qui devrait tout de même nous étonner : il n’existe aucune étude visant à décrire la situation des auteurs d’œuvres littéraires et artistiques sous licence libre ou ouverte, ni sur le plan de leur rémunération, ni sur quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. La seule chose qu’on puisse pour le moment établir (très approximativement), c’est le nombre d’œuvres publiées sous de telles licences, et le nombre d’auteurs les ayant adoptées (il suffirait de compter les membres inscrits sur des archives telles que Jamendo ou Musique-libre.org ou d’autres archives encore, mais on en raterait un certain nombre à commencer par moi, dont les œuvres n’apparaissent pas sur ces sites). À la limite, à défaut d’une telle étude, on pourrait se satisfaire, à titre de justification, d’une pétition d’auteurs sous licence libre ou ouverte, revendiquant de meilleurs rémunérations. Mais là aussi, on est obligé de reconnaître qu’une telle pétition n’existe pas. Ça ne veut pas dire que certains de ces auteurs ne revendiquent pas (individuellement) une telle chose, mais qu’on n’a aucun indice sérieux indiquant que c’est là un problème central dans le monde du libre.
En vérité, nous sommes là dans une situation absurde et désolante : certains militants du libre, parmi les plus brillants et les plus engagés, rédacteurs du volume Anti-Hadopi (au nom de leur engagement pour le libre, quoiqu’ils en disent), dépensent une énergie folle à élaborer des solutions « alternatives » (par exemple la société d’acceptation de dons) à un problème dont il est impossible de dire si c’est le problème des auteurs qu’ils ont choisi de défendre. (D’autant plus que de nombreux témoignages tendent au contraire à énoncer la chose suivante : j’ai choisi les licences libres ou ouvertes parce que je ne veux pas faire de business avec mes œuvres, en faciliter la circulation, l’échange etc.. ce qui paraît assez logique n’est-ce pas ? Si on souhaite gagner de l’argent avec son œuvre, il paraît assez stupide de commencer par se priver de toucher des droits d’auteur selon la méthode classique).
Le risque c’est qu’on finit par transformer la réalité malgré le manque d’analyse, et, qu’à l’instar de la manière dont nos gouvernants n’hésitent pas à lancer à partir de rien un débat sur l’identité nationale ou l’insécurité, afin de détourner l’attention des problèmes que les gouvernés se posent réellement, la question de la rémunération devienne un problème crucial du mouvement du libre, au sujet duquel tous les acteurs seront invités à se prononcer, le rendant réel en quelque sorte, quand bien même ils n’avaient pas pris la peine d’y penser avant : le drame, c’est qu’on peut transformer la réalité sans avoir jamais fait l’effort de la connaître autrement que par le petit bout de lorgnette de son expérience personnelle et/ou à la lumière de ses idéaux (et de son idéologie). À l’analyse des désirs et des pratiques des auteurs dont on parle, on substitue alors l’argument d’autorité : je le sais parce que je suis untel, engagé depuis x années dans le mouvement ou créateur d’un site d’édition ou philosophe apprécié.
Probablement par humilité, les représentants du mouvement du libre auxquels j’adresse ces critiques refusent en général ce titre de représentant ou de porte-parole. J’aimerai dire un mot à ce sujet : il n’est pas nécessaire de se prétendre porte-parole pour se trouver en situation de fait d’être un porte-parole. Il suffit premièrement de parler, comme les uns et les autres ne cessent de le faire dans ce pays, des « artistes », ou « des artistes sous licence libre » ou « des utilisateurs de licence libre », et de prétendre faire leur bien (par exemple apporter des solutions à leur problème). Et secondement, de rendre publique cette parole à l’occasion d’un colloque par exemple : le lieu est idéal (et c’est pour ça qu’on ne cesse de produire des « colloques » sur le sujet) pour que s’accomplissent les rituels nécessaires à d’adoubement des porte-paroles (on excusera cette note cynique, mais j’ai souvent l’impression qu’on n’apprend pas grand chose dans les colloques, sinon à identifier qui sont les acteurs qui comptent, et au nom de quoi et de qui ils parlent). On peut donc se draper dans sa dignité : « non, je ne représente rien ! Sinon moi-même.. », mais on peut aussi assumer sa représentation, mais alors le faire jusqu’au bout et avec sérieux, c’est-à-dire en s’efforçant de pendre connaissance, d’une manière ou d’une autre, de ce que les gens qu’on représente pensent et font.
De ce point de vue, et au train où les choses semblent aller, nous sommes obligés de dire que le mouvement du libre ne vaut pas mieux que la plupart des autres mouvement politiques : il est fondé sur un défaut d’analyse, un mépris de la complexité de la réalité, de la pluralité des désirs et des pratiques, et supplée à ce défaut par une philosophie de bon ton, ou des théorisations faiblardes fondées sur de la mauvaise rhétorique, de l’opposition stérile, et des arguments d’autorité. Et quand on propose une « initiative », les discussions préalables se sont tenues dans le plus grand secret, entre représentants – et on n’informe les représentés du résultat que lorsque les discussions sont closes. C’est assez dire le mépris dans lequel les représentants des artistes (qu’ils soient au ministère de la culture ou dans le mouvement du libre) tiennent les artistes.
On m’a souvent reproché de me cantonner dans une posture critique, et de ne jamais apporter de « solutions » concrètes. Compte-tenu de ce que je viens d’écrire, on comprendra qu’il ne m’appartient certainement pas de proposer une solution à un problème (la rémunération des auteurs sous licence libre ou ouverte) qui me paraît aussi mal posé (au point que rien n’assure qu’il y ait là véritablement un « problème » – au sens où les auteurs se le poseraient, disons : en nombre suffisant). Pour le moment en tous cas, en l’absence d’enquête, je considère que c’est une vue de l’esprit. Je vais maintenant proposer non pas des solutions mais des pistes qu’à mon sens le mouvement du libre aurait pu suivre – et qu’il ne l’ait pas fait demeure un grand regret, car je crois que ce mouvement avait un avenir passionnant, s’il n’avait pas été si obnubilé par les débats insufflés par le pouvoir et les institutions.
1° Mon plus grand regret sans doute, tient à ce que le mouvement du libre n’a pas su se doter d’un vocabulaire, d’une grammaire et d’une problématique propre. Ça n’a pas toujours été le cas, du moins dans les débuts historiques. Mais le succès venant, force est de constater que les différences significatives de la manière dont le libre envisageait la culture se sont estompées : comme si la seule manière d’exister dans la sphère publique consistait à adopter le vocabulaire, la grammaire et les problématiques posées par les institutions, et notamment l’industrie du divertissement, le ministère de la culture et les sociétés de gestion des droits d’auteur – les adopter quand bien même, et surtout, quand on ne fait que s’y opposer (ce que dit bien un titre comme « la bataille anti-hadopi »). je songe aussi à la manière dont certains militants du libre adoptent sans même s’en rendre compte la sémantique typiquement ministérielle du « la culture pour tous » ou la « culture par tous », qui n’est jamais qu’une tarte à la crème avant tout destinée à détourner les citoyens des problèmes qui les préoccupent.
J’ai essayé, et je suis loin d’être le seul, de produire un lexique qui soit propre au mouvement du libre (notamment dans la Dissémination de la musique). On sait comment il a été difficile pour les artistes du libre de se dégager de l’influence de leurs pères informaticiens (et on notera qu’il est significatif qu’à l’occasion des débats sur la circulation des œuvres d’art sur internet, les informaticiens soient de retour sur la première ligne du front de la fameuse bataille). Et aujourd’hui, les gens du libre parlent le même langage et utilisent les mêmes concepts que leurs ennemis. Des projets comme la SARD, porté tout de même par des personnalités autrefois favorables au libre, s’adressent d’ailleurs bien plus aux artistes soucieux de percevoir des rémunérations qu’à ceux qui ont fait le choix de la libre circulation de leurs œuvres. C’est la raison pour laquelle ces derniers mois, je n’ai pas cessé de militer, certes dans une relative discrétion, et d’autres avec ou sans moi, pour un rappel des engagements auxquels obligent l’adoption d’une licence libre – qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre en quelque sorte – soutenant sans doute une interprétation radicaliste. De fait, je ne me sens pas aussi radical que cela, mais il importe parfois de forcer le trait quand on sent que les choses se délitent doucement mais surement. C’est donc là ma première proposition : prenons le temps de réfléchir à nos interprétations de ce que c’est qu’une licence libre, les enjeux qu’elle implique. Et faisons-le en nourrissant un débat public avec les principaux intéressés, c’est-à-dire les les auteurs, plutôt que de causer entre happy few. Invitons des sociologues à étudier nos pratiques et nos pensées, laissons-les tirer des conclusions dont nous pourrions tirer profit, à partir desquelles seraient susceptibles d’apparaître les véritables préoccupations des personnes (les auteurs, artistes, créateurs) qui ne cessent d’être parlés dans les colloques et les publications. (Ma préférence irait largement vers une sociologie qui prenne pour objet les représentations des acteurs, type : sociologie pragmatique, de terrain, plutôt que pour les abominables études qui encombrent les rayons des bibliothèques universitaires, fondées sur des statistiques fournies par l’IRMA ou le ministère, confinées à quelque paraphrase inoffensive et tout à fait dégagées des contraintes et des contradictions du réel).
2° Il faut cesser de réclamer des privilèges et un statut spécifique pour les artistes parce qu’ils sont artistes. Il faut sortir de cette logique désastreuse et qui me semble tout à fait contraire à l’esprit initial du libre. Je me suis expliqué longuement sur ce point dans mon article « Remarques sur les créateurs pauvres » (2007). Je m’en prenais alors aux discours des institutions et aux slogans du genre : « il faut sauver la création », et aux moyens mis en œuvre pour non seulement consolider la situation de quelques privilégiés, dotés d’excellents revenus, mais la renforcer (au prétexte du soi-disant danger auquel internet les exposerait). Je suis accablé de voir que cette rhétorique est désormais reprise par certains acteurs du mouvement du libre (ou devrais-je dire : ex-acteurs du libre ?), bien qu’il s’agisse évidemment de capter des revenus pour les artistes qu’ils prétendent représenter. Ce que je préconisais dans mon texte, et j’en redonne copie ici :
« Je crois qu’on ne devrait pas s’indigner de la précarité des artistes en particulier, ni des inégalités extraordinaires qu’on constate dans le monde de l’art, mais plutôt de la précarité en général, et des inégalités en général. Le raisonnement qui dénonce l’injustice faite à l’art repose, je l’ai suggéré, sur le mythe inconscient et persistant d’une sacralité de l’art – or, cette sacralité a été largement mise à mal par le capitalisme, qui au fond, ne s’intéresse au sacré que dans une perspective marketing, et n’entretient cette idée que parce qu’elle lui permet de produire un effet de sidération sur le consommateur (de transformer le mélomane qui gît en chacun de nous en machine à consommer). Si l’on fait l’effort de mettre entre parenthèse ce mythe, la situation des artistes pauvres n’est plus en soi un objet d’indignation : ce qui demeure, c’est l’indignation qu’engendre le constat de la paupérisation croissante de la population, couplée à l’enrichissement délirant de quelques autres.
C’est pourquoi les artistes, et ceux qui prétendent les défendre, devraient arrêter de réclamer un privilège et s’engager dans les luttes sociales au côté de tous les citoyens. Le meilleur moyen de favoriser la création dans ce pays, c’est d’améliorer les conditions de vie en général, par exemple augmenter les salaires, créer des aides sociales décentes (est-il normal que les allocations dans ce pays soient explicitement en dessous des revenus correspondant au seuil de pauvreté ? N’est-ce pas une manière d’accepter le fait que des millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ?)
Bref : la question des revenus des créateurs devrait être noyée à mon sens sous les questionnements relatifs aux revenus des citoyens en général. »
3° Ouvrons nos œillères et essayons de comprendre en quel sens les licences libres peuvent avoir u intérêt dans d’autres domaines que la culture. Discutons avec d’autres types d’utilisateurs (et pas seulement des informaticiens), par exemple des chercheurs, des scientifiques, des universitaires. Et surtout envisageons des usages pour le futur dans d’autres domaines. Florent Latrive dans son livre Du bon usage de la piraterie avait ouvert bien des pistes, qui n’ont été que rarement explorées (les organisateurs de colloques étant beaucoup plus occupés avec les lois promulgués par les gouvernements). Je pense notamment aux problèmes vitaux que posent le brevetage du vivant, la copie de médicaments, l’exploitation commerciales des savoirs traditionnels. Je suis frappé également du peu de considération qu’on a dans le mouvement du libre pour les cultures orales, les manières de faire circuler la musique et les récits dans des sociétés non-occidentales : de nombreux modèles alternatifs à nos « propriétés intellectuelles » nous sont accessibles par les travaux des anthropologues, et à part les sempiternelles références à la théorie du don de Marcel Mauss, on n’entend rien de tel dans les colloques consacrés au libre : invitons des chercheurs d’autres disciplines, pas seulement des informaticiens et des artistes ! Essayons de nous donner des perspectives plus vastes plutôt que de nous focaliser sur des spécificités dans lesquels nos discours étouffent, qui ne font plus rêver grand monde, ne paraissent pas plus désirables que les promesses de la SACEM. Reprenons les choses à zéro tant qu’il est temps plutôt que de perdre nos énergies dans la conception de solutions à courte vue (qui de toutes façons seront bien vite obsolètes, aussi vite que le sera la loi hadopi).
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