La manière dont les petits peuples animistes élèvent les très jeunes enfants est riche d’enseignements concernant leur conception sinon de l’humanité, du moins de ce qui, de leur point de vue, fait d’eux des membres du groupe auquel ils appartiennent. Je donnerais ici des extraits tirés de trois études ethnographiques menées sur trois continents différents.
I.
Le premier extrait est tiré du livre de Rita Astuti, People of the Sea. Identity and Descent among the Vezo of Madagascar, Cambridge University Press, 1995, dont j’ai déjà parlé sur ce blog. On sait que l’identité Vezo, l’être Vézo, s’acquiert par la pratique. On ne naît pas Vezo, on le devient en menant la vie des pêcheurs, en allant à la mer et en fabriquant des canoës. Raison pour laquelle, assez logiquement, selon ses capacités, chacun, à différents moments de sa vie, peut être dit « plus ou moins » Vezo. Cette conception de l’identité diffère totalement de celle que véhicule le concept administratif et anthropologique d’ethnie, ce que souligne dans son dernier livre Nurit Bird-Davis, qui, étudiant une micro-société d’Inde du sud-ouest comprenant environ 25 personnes, considère que ce qui compte à cette échelle, c’est l’ensemble des relations que nouent entre elles les personnes, pas leur généalogie, ni même leur inscription géographique : faire partie de ce groupe, c’est partager les activités et vivre dans les huttes avec ses « relatives » – y compris les plantes et les animaux, sans oublier les esprits, tout ces êtres coexistant dans ce qu’elle appelle la pluri-présence. Il n’est pas dés lors étonnant que soient considérés comme « relatives » une anthropologue de Cambridge, un Chrétien de Syrie ou un Musulman de Kerala (dans la mesure où, suffisamment longtemps, ils ont partagé l’existence quotidienne des Nayaka. Les caractéristiques des personnes prises une à une, leur histoire familiale, leur parcours antérieur à l’arrivée dans la tribu, n’ont aucune incidence sur leur appartenance à ce « nous » : comptent parmi les « relatives » ceux qui vivent là, se marient, enfantent, chassent, pêchent et « cueillent la forêt » ensemble (Nurit Bird-David, Us, Relatives. Scaling and Plural Life in a Forager World, University of California Press, 2017).
Il n’est donc pas étonnant que le statut des enfants, dans ces micro-sociétés où « l’humanité » (mieux vaudrait dire ici la « Vézoité ») s’acquiert et n’est pas donnée d’emblée, fasse l’objet d’une attention particulière. Pour en revenir aux Vezo, le bébé est un « enfant des eaux », qui n’est pas encore une personne, parce qu’il n’est pas suffisamment « ferme » pour ainsi dire, incapable qu’il est de se tenir debout, et, pour tout dire, d’aller pêcher ou fabriquer un canoë (de manière tout à fait caractéristique, il suffit aux enfants plus âgés, au-delà de 4 ou 5 ans, de « jouer » à pêcher, ou d’aider les adultes à le faire, ou bien de fabriquer des répliques miniatures de canoë pour être considérés comme “plus ou moins” Vezo). La question se pose également de la sépulture qu’on peut donner à ces bébés quand ils meurent. Dans la tombe du père sont recueillis et conservés des ossements : le rituel complexe (le soro) et les tabous qui gouvernent le choix des sépultures et donnent lieu parfois à des débats sévères prend en compte la maturité de la personne au moment de sa mort. Si le soro est accompli, l’enfant défunt dépendra des ancêtres du côté paternel, et, dans le cas contraire, des ancêtres du côté maternel.
« L’expression “ce n’est pas encore un être humain, c’est un biby (un « animal » en malgache)” est utilisée pour expliquer pourquoi les bébés de moins d’un an reçoivent une sépulture non marquée, généralement sous un grand arbre dans la forêt, plutôt que d’être enterrés dans des tombes (tsy milevyan-dolo). Les petits bébés sont des “enfants des eaux” (zazarano), ils sont “mous” (malemy) et ne peuvent donc pas rester debout. Ce n’est que lorsqu’ils commencent à s’asseoir (fa mahay mipetsaky) qu’ils deviennent des “personnes” (fa olo). Les “enfants des eaux” ne sont pas enterrés dans des tombes, m’a-t-on dit un jour, parce qu’ils manquent d’os ( taola tsy misy) : car l’enterrement est “la collecte et la conservation des os” (fanajaria taola). Cela explique le risque qu’un homme encourt lorsqu’il effectue le sorontsoky. Le risque n’est pas, en fait, qu’il acquière un Biby au lieu d’un bébé, mais qu’il acquière un cadavre qui sera trop mou pour être enterré avec les autres os dans sa tombe. J’ai mentionné plus haut la remarque fréquemment faite selon laquelle “les cadavres sont ce qui fait que les gens se battent” (faty ro mampialy olo), c’est-à-dire que les gens se battent pour savoir où un mort sera enterré. Le fait que cette décision soit contestée semble étrange, étant donné que l’exécution du soro (ou son absence) est censée établir le choix de la tombe et du raza avant la mort d’une personne. Tout ce que les gens devraient savoir après la mort d’une personne (et c’est d’ailleurs ce que l’on demande toujours), c’est si le soro a été formé ou non. Si la réponse est oui, la personne sera enterrée dans la tombe de son père ; si la réponse est non, l’enterrement aura lieu dans la tombe de la mère. »
Rita Astuti, People of the Sea. Identity and Descent among the Vezo of Madagascar, Cambridge University Press, 1995.
II.
Quittons les eaux chaudes de l’Océan Indien pour les forêts glaciales de la Sibérie. Pour les Yukhagirs, une population de chasseurs/cueilleurs de la taïga, le statut du tout jeune enfant est encore plus précaire, et sans doute encore plus périlleux. En effet, l’enfant est tenu pour la réincarnation d’un parent défunt. Plus précisément, l’esprit d’un mort (son ayibii) vient saisir l’occasion de la maternité pour se glisser dans l’enfant à naître, et, à travers lui, manifester ses traits de caractère, sa personnalité. Le bébé ou le jeune enfant se voit donc embarrassé d’une sorte de double, ou plutôt d’un autre en lui. Cela vient du fait que l’enfant n’étant pas encore une personne suffisamment mûre et achevée, il est encore perméable à l’influence des esprits et des morts. Willerslev a recueilli quelques récits où ces jeunes enfants sont capables de décrire avec précision des évènements ayant affecté leur ancêtre, sans qu’on leur en ait jamais parlé au préalable. Ils se montrent également capables de prédire le résultat de la chasse ou l’emplacement du gibier.
En grandissant, leur personnalité s’affirme, l’influence des esprits et des ancêtres diminue. D’une manière qui rappelle le diptyque oubli / réminiscence platonicien (mais sans la visée morale), l’acquisition du langage coïncide avec l’oubli du savoir enfantin (ou, pour le dire autrement, d’une séparation relative, plus ferme, d’avec le monde des esprits).
Chez les Yukhagirs, la frontière entre les esprits, les animaux et les hommes est toujours incertaine. Il faut toujours se garder de la maintenir en état, à travers de petits rituels, sans quoi l’esprit peut être vexé et s’emparer de votre âme ou le chasseur risque de se métamorphoser pour de bon en animal. Le monde des Yukhagirs est d’une grande complexité, et repose sur un jeu de séduction entre les esprits (parmi lesquels ceux des ancêtres), les humains et les animaux, chacun étant engagé avec les autres dans des relations d’amour et de prédation : le danger qui pèse sur les hommes engagés dans les processus de mimesis, c’est de perdre leur identité humaine, c’est-à-dire de se transformer ou de métamorphoser en ours, en élan, en renne etc. Là encore, l’enfant est dans une situation extrêmement précaire parce qu’il n’est pas assez « solide » pour mettre en place ces garde-fous « ontologiques ».
« J’ai décrit au chapitre 2 comment les Yukaghirs sont enclins à considérer un enfant comme un parent mort renaissant. À un certain moment de la grossesse de la mère, on pense que l’âme, ou ayibii, de la personne décédée entre dans le ventre de la mère par le vagin et possède l’enfant. Les deux deviennent alors la même personne, et l’enfant partagerait avec la personne décédée sa personnalité, y compris des attributs tels que le tempérament, l’humour et les habitudes alimentaires et de boisson. On pense également que l’enfant possède le même éventail de compétences et de relations avec les êtres spirituels. Ainsi, tous les éléments de caractère et de connaissance que nous comprenons généralement comme étant accumulés tout au long d’une vie, l’enfant les reçoit tous en même temps, sous une forme finie, avant même sa naissance.
Cependant, en accédant au langage, on dit qu’une défaillance de la mémoire de l’enfant se produit. Le savoir de l’enfant n’est pas perdu en tant que tel, mais l’enfant n’est plus explicitement conscient de qui il est et de ce qu’il sait. Ses connaissances se présentent sous une sorte de forme encapsulée, qui doit être extraite par des processus de redécouverte personnelle. Il ne s’agit pas d’une sorte d’autoréflexion de type cartésien. Au contraire, une personne accède à ce qu’elle sait en vivant sa vie. On dit alors que s’adonner à des activités quotidiennes telles que la chasse, la pêche et le rêve, c’est s’adonner à des actes de mémoire. Cependant, il ne s’agit pas seulement de faire appel à des images internes de sa vie passée, comme lorsque les enfants commencent à parler du point de vue de la personne décédée, mais aussi de s’engager avec des choses et des personnes, qui sont censées être enceintes d’indices de ses connaissances passées. Il s’ensuit que dans le monde des Yukaghirs, il n’existe pas d’enfant, du moins pas dans notre sens d’une ardoise vierge à laquelle il faut inculquer des connaissances. Une personne sait dès le début tout ce qu’elle va apprendre et n’a donc aucune dette envers qui que ce soit pour cette connaissance. »
Il n’est donc pas étonnant que les enfants Yukaghirs semblent aux yeux des observateurs extérieurs livrés à eux-mêmes.
« Une autre méthode d’enseignement consiste à permettre à l’enfant de s’instruire lui-même. Un instituteur Sakha de Nelemnoye m’a donné une riche description de ce que cela implique :
« De toute évidence, ces gens [les Yukaghirs] ne se soucient pas du bien-être de leurs enfants. Vous voyez comment ils laissent les petits garçons prendre des armes et courir dans la forêt par leurs propres moyens. . . . L’année dernière, deux personnes se sont noyées… . . S’ils n’ont pas envie d’aller à l’école, leurs parents ne leur disent pas de le faire. Quand je leur demande pourquoi Stephan et Nadia ne sont pas à l’école, les parents disent simplement qu’ils ne voulaient pas y aller. . . . Une fois, j’ai vu un petit garçon prendre un bâton brûlant et se faire terriblement brûler. Ses parents ont regardé ce qui se passait mais n’ont rien fait pour l’empêcher. Ils se sont contentés de rire quand l’enfant a couru vers eux en criant. »
Les enfants de Yukaghir ont donc une liberté presque totale pour explorer leur environnement par eux-mêmes, avec peu ou pas d’intervention de leurs parents. Si les enfants se placent dans une situation dangereuse, les parents les laissent généralement régler la situation par eux-mêmes, car les enfants sont censés savoir ce qu’ils font, même s’ils n’en sont pas explicitement conscients. Goulet (1998 : 39-42), qui rapporte la même attitude chez les parents Déné, décrit comment ils permettent à leurs enfants de jouer à la fois avec de l’alcool et des tronçonneuses tout en les observant silencieusement à distance. Il résume cet éthos d’intervention minimale en écrivant : “Parce que les Déné considèrent que la vraie connaissance est personnelle, de première main, ils apprennent d’une manière qui met l’accent sur le non verbal plutôt que sur le verbal, l’expérimental plutôt que sur l’exposition de principes” (Goulet 1998 : 58). »
Rane Willerslev, Soul Hunters. Hunting, Animism, and Personhood among the Siberian Yukaghirs, University of California Press, 2007
III.
Nous nous tournons maintenant vers l’Amazonie Péruvienne. Chez les Urarina, étudiés avec tellement de finesse par Harry Walker, le moment de la naissance proprement dite, l’enfant qui sort du ventre de sa mère, n’est que le début d’un processus beaucoup plus long. « L’humanisation du corps du bébé », qui s’achèvera quand il pourra adopter la position debout, marcher, et parler, se déroule en majeure partie autour du hamac, lequel figure un prolongement tout à fait explicite du placenta, c’est-à-dire d’un environnement qui relie le bébé et sa mère. On notera d’ailleurs que le placenta, tout comme le hamac, sont conservés après « usage » si l’on peut s’exprimer ainsi.
Le long chapitre consacré par Harry Walker au hamac enfantin devrait passionner tous ceux qui s’intéressent au maternage dans les sociétés animistes : on peut décrire l’univers disposé par les parents autour du hamac comme une véritable matrice à fabriquer une personne humaine (ou, plus exactement, un Urarina). Tout ce qui est mis en place dans ce micro-environnement extraordinairement enveloppant (et qui constitue la part la plus importante du monde du bébé – qui ne quitte son hamac que pour être porté contre le corps de sa mère ou de son père ou d’un « relative »), possède une vertu pour ainsi dire performative. Walker traduit de nombreuses berceuses (la mère passe une grande partie de son temps à chanter à l’oreille de l’enfant) qui « apprennent » réellement au bébé les rudiments de sa vie future : comment pêcher, chasser, cueillir, etc. Il s’agit réellement de transmettre des qualités, par le chant, le bercement du hamac, les mouvements du hochet. Mieux encore, le bébé bercé dans son hamac est invité à voyager en rêve, à explorer la forêt et le monde qui l’entoure durant son sommeil. Le sommeil, les Urarina le savent mieux que quiconque, est formateur !
Là encore, comme pour le bébé Vézo ou le bébé Yukhagir, les premières années de la vie demandent une attention constante, pas seulement comme aurait dit Freud parce que l’enfant est Hilflosigkeit (« en proie à un sentiment d’impuissance ») mais surtout parce que sa personnalité est encore trop perméable à l’influence des entités non-humaines comme chez les Yukhagirs, ou comme dans le cas des Urarina, parce qu’il est encore « sans qualités » – et d’ailleurs, durant les premiers mois, le bébé n’est pas distingué au niveau du genre, on l’habille et on se comporte avec lui sans faire de distinction sexuée. Mais je laisse l’auteur en parler bien mieux que moi :
“Veux-tu voyager dans ton hamac ?” La petite-fille de Rosa, qui avait récemment commencé à se tenir debout toute seule, était encore trop jeune pour parler. Pourtant, à ma grande surprise, elle semblait parfaitement comprendre la question. Elle a chanté “Brrrrrr !” en imitant les sons vibrants et distinctifs de la berceuse lorsqu’elle est produite sous forme de trille bilabiale. La jeune fille a été rapidement hissée dans son hamac par sa mère, qui s’apprêtait à partir pour le jardin, et a reçu l’ordre de s’endormir et d’aller “errer” (tijiaco). Après l’avoir bordée, la longue corde a été remise à Rosa qui, à peine interrompue dans sa tâche de fabrication d’un sac en ficelle, a commencé à balancer le hamac d’un côté à l’autre, en chantant doucement pendant qu’elle travaillait.
Si la transmission des qualités nécessite généralement une consommation orale ou un contact physique direct pour être jugée efficace, le hochet ne fait ni l’un ni l’autre. Il est fixé sous la position de la tête du bébé, hors de portée et hors de vue. La transmission ne peut se faire que par les sons que le hochet est censé produire, car les indices physiques sont reconstitués en son lorsque le hamac est mis en mouvement par un soignant (caregiver). Les sons, les propriétés physiques, les valeurs abstraites et les états mentaux ne sont pas clairement discernables dans l’ontologie des Urarina. En berçant le bébé dans son sommeil, le hochet établit les conditions nécessaires à sa propre réception. D’une part, le contenu narratif de ces sons est une berceuse sans paroles ; d’autre part, sa force performative travaille à construire le corps de l’enfant comme un composé de qualités, d’expériences et de connaissances d’origines diverses. Nous pourrions suggérer que, dans une perspective Urarina, le hochet incite l’enfant à accepter l’identité impliquée dans sa composition, première étape d’un processus d’interpellation continu. L’appel du hochet particularise et humanise le corps du bébé, qui est encore considéré comme trop ambigu par ses parents et les personnes qui s’en occupent.
(…)
Les Urarina reconnaissent que le hamac, comme le placenta, devient une partie intégrante de la mère et de l’enfant, et ne peut être interprété sans ambiguïté comme appartenant à l’un ou l’autre. La relation entre les trois est, en ce sens, également métonymique. Tout comme le placenta, le hamac lie un bébé à sa mère et sert de médiateur entre eux. Comme le montrent clairement de nombreuses berceuses, son utilisation est un moyen de prolonger leur union. Au fil du temps, on dit que la “vitalité” ou le “souffle vital” d’un bébé imprègne le hamac, une sorte d'”âme” par laquelle chacun devient une extension de l’autre. Un hamac devenu hors de taille (contrairement aux différents éléments du hochet) n’est jamais jeté ou réutilisé par d’autres enfants, mais simplement gardé avec soin par la mère jusqu’à ce qu’il se détériore. »
La configuration matérielle du bébé dans son hamac contraste clairement avec un berceau occidental typique, dans lequel les jouets et autres objets intéressants sont placés au-dessus du bébé, dans son champ de vision et souvent à sa portée, comme des objets passifs ou des patients qu’il peut examiner et manipuler comme un agent. La situation ici est plutôt l’inverse ; le bébé occupe une position passive par rapport au hamac, dont les mouvements de balancement rapide résistent et finissent par supplanter son propre exercice provisoire d’agence (son « agency » au sens d’Alfred Gell) . Il est tentant de suggérer que c’est finalement le second qui “joue” avec le premier. Les sons du hochet, qui émanent de derrière la tête de l’enfant, résistent à l’objectivation de leur source. Je suggère que le hamac n’est pas encore un “objet” pour le nourrisson, qui n’est pas encore un “sujet” ; leur état d’enchevêtrement mutuel transcende d’abord cette polarité, alors même qu’il s’agit d’un des principaux moyens de le faire exister.”
Harry Walker, Under a Watchful Eye. Self, Power, and Intimacy in Amazonia, University of California Press, 2012.
Nous sommes donc ici très éloignés de la conception contemporaine de l’enfant dans les sociétés occidentales. Comme l’ont montré par exemple Alain Erhenberg ou Pierre-Henri Castel, les injonctions à « s’assumer soi-même », ou l’injonction à l’autonomie, sont au cœur non seulement des idéaux de la société néolibérale de performance mais aussi, sans qu’on doive s’en étonner, des projets éducatifs modernes (au point qu’aujourd’hui, on peut même considérer l’enfant à naître comme « autonome » avant même d’avoir émis un cri – ses défaillances ou ses errements seraient alors à mettre au compte de l’anomalie cérébrale). Dans les petits mondes qu’étudient les anthropologues, on souligne au contraire la fragilité de l’enfant, sa perméabilité, sa non-séparation d’avec les entités non-humaines, avec lesquelles il devra apprendre à composer, avec lesquelles il lui appartiendra de se situer correctement. Il faut du temps pour faire un homme, pourrait-on dire, ce que nos sociétés contemporaines semblent avoir oublié.