Capou et moi apprenons la propriété. Je me lève, il est 8h30, j’ouvre la porte-fenêtre qui donne sur le jardin et demeure sur la terrasse en ciment quelques minutes. Je regarde mes terres. Mes terres s’étendent sur environ 1000 mètres carré, c’est-à-dire 10 ares, principalement au sud et à l’ouest de la maison. Au sud, le terrain est délimité par une haie de frênes et d’autres arbustes. À l’ouest, par une clôture bordant un pré à vaches. La clôture ne tient plus que par quelques piquets gorgés d’eau, le fil barbelé pendouille à plusieurs endroits.
De l’autre côté de la haie, au sud donc, il y a un grand chemin de terre, qui mène à la ferme et par où on peut rejoindre à pied le village non loin (compter dix minutes de marche). Un autre chemin file vers le sud, c’est un chemin qui conduit à d’autres prés, c’est une impasse si l’on veut, mais j’ai déjà franchi les clôtures et gagné d’autres chemins encore plus au sud, ce n’est donc pas tout à fait une impasse, ce n’est même pas du tout une impasse quand on sait franchir une clôture en barbelé.
Capou fait ses affaires autour du jardin. Il en arpente soigneusement les angles, les lignes de fuite. Il voit des choses, il sent des choses, des vertex, des courbes et des droites, signifiantes, que nous ne voyons pas ni ne sentons.
Puis, quand il a fini son travail d’arpentage, après qu’il ait laissé ses marques aux endroits pertinents, il s’assoit sur la terre nue, en plein milieu du jardin, et aboie, puis demeure tout simplement là, faisant acte de présence, actant qu’il est le prince des lieux. J’aimerais faire pareil mais la terre est assez collante et je risquerais de salir le derrière de mon pantalon donc je m’abstiens.
Au printemps, c’est-à-dire, comme nous sommes à plus de mille mètres d’altitude, au mois de mai, je m’occuperai de faire pousser des choses. L’emplacement dédié au potager est déjà prêt, la terre est retournée, j’ai ôté les cailloux, la terre semble en repos mais ça doit s’activer par en dessous. La pelouse, un rectangle modeste de pelouse, a déjà commencé à pousser, et bien que la neige et le gel l’aient déjà recouverte, elle survit à l’hiver sans trop de peine. Pour le reste, quelques arbustes creusent la terre je suppose avec leurs racines, s’étendant par en dessous pour mieux se déployer au dehors quand viendront les beaux jours, et de la prairie prend déjà ses aises, une prairie d’ici, une prairie fleurie, pas besoin d’en rajouter donc.
J’ignore si ce genre de pensées vient aux propriétaires, je l’ignore étant donné que je ne suis propriétaire que pour la première fois, encore que, comme me l’a rappelé au téléphone la préposée au contrat d’électricité, vous n’êtes en définitive qu’un occupant à titre gracieux, a-t-elle dit gracieux ou gratuit ? Qu’importe.
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