Dé-familiariser l’éthique du travail (une lecture de Max Weber par Kathi Weeks)

(=>Lire aussi : https://outsiderland.com/danahilliot/kathi-weeks-the-utopian-demand/ )

Dégager la dimension fétichiste des objets et des pratiques qui nous semblent « naturels », « dépolitisés », autrement dit, dé-familiariser le monde, c’est là une tâche plus que jamais urgente (et ça tombe bien, tout le travail a déjà été fait, des tonnes de bouquins ont été écrits sur chacun de ces objets et des ces pratiques, suffit de les lire !)
J’ai beaucoup parlé ces derniers jours des réseaux sociaux, mais évidemment, il faut envisager le problème de manière plus globale.

Comme toujours, l’analyse critique du capitalisme (sa généalogie si vous préférez) nous rappelle que les choses n’ont pas toujours été telle qu’elles sont aujourd’hui, que ce qui nous paraît naturel est bien souvent le fruit (pourri) d’une décision idéologique, que ce qui ne nous paraît pas faire question s’origine en réalité dans des décisions politiques. Ce pourquoi il faut plus que jamais faire de l’histoire, de la géographie, de l’anthropologie, etc..

On sait (ou on ne sait pas justement, ou on préfère oublier ou passer sous silence) quelles histoires sinistres d’extraction et d’exploitation, de violence et de militarisation, sont attachées à quasiment chaque objet qui peuple notre environnement quotidien. Mais on oublie plus encore comment les pratiques emblématiques du capitalisme, ses articulation idéologiques, les pensées dont nous sommes porteurs et que nous incarnons (que nous y adhérions ou pas), sont devenus comme notre « seconde nature » – y compris le racisme, le masculinisme, le colonialisme etc..

Comme je suis plongé dans la lecture du livre génial de Kathi Weeks, The Problem with Work: Feminism, Marxism, Antiwork Politics and Postwork Imaginaries, Duke University Press 2011, je ne peux m’empêcher de vous donner à lire cet extrait (il faudrait traduire le livre entier tant il est précieux) concernant la « naturalité du travail ». Dans cet extrait, elle revient sur un des aspects de la critique Weberienne de ce que nous appelons parfois la « valeur travail » – ce que Max Weber appelle « l’éthique du travail », dont il dévoile la généalogie (la dimension historique de l’étude célèbre de Weber a été amplement discutée, mais peu importe ici.)

(ma traduction)

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« Comme le souligne Weber, l’éthique du travail – et cela reste constant au cours de ses transformations historiques – est un discours individualisant. La réussite ou l’absence de réussite économique de l’individu dépend de son caractère et en est le reflet. Ce qui pouvait être considéré comme la responsabilité d’une collectivité devient le devoir de chaque individu ; ainsi, vu sous l’angle de l’éthique puritaine, « le “Celui qui ne veut pas travailler ne mangera pas” de saint Paul, autrefois considéré comme pertinent pour la communauté dans son ensemble, s’applique désormais inconditionnellement à tout le monde ». En d’autres termes, la responsabilité morale incombe désormais à l’individu plutôt qu’à la communauté, et les riches comme les pauvres « ne mangeront pas sans travailler ». Cela s’applique d’autant plus au cours de l’ère industrielle, une fois que le travail salarié devient normatif ; et c’est particulièrement vrai dans la période postindustrielle où la norme du soutien de famille devient de plus en plus universelle, une attente non seulement des chefs de famille, mais aussi de chaque citoyen adulte. Avec moins de cas de dépendance économique ou politique « légitime », « toute dépendance qui subsiste peut donc être interprétée comme la faute des individus » (Fraser et Gordon 1994, 325). L’indépendance est moins liée aux types de relations auxquelles on est soumis qu’à une qualité de caractère. La « dépendance postindustrielle » devient donc à la fois de plus en plus illégitime et « de plus en plus individualisée »

« En tant que discours individualisant, l’éthique du travail remplit la fonction idéologique traditionnelle de rationalisation de l’exploitation et de légitimation de l’inégalité. Le fait que tout travail soit un bon travail, que tout travail soit également désirable et intrinsèquement utile est, comme l’a fait remarquer William Morris, « une croyance commode pour ceux qui vivent du travail des autres » (1999, 128). L’éthique protestante a également « légalisé l’exploitation de cette volonté spécifique de travailler », observe Weber, dans la mesure où elle « a interprété l’activité commerciale de l’employeur comme une vocation ». Dans la perspective de l’éthique du travail, les gouvernements sont considérés comme devant protéger le bien-être des citoyens en défendant leur droit au travail, tandis que les employeurs n’extraient pas tant de la plus-value qu’ils ne répondent aux besoins concrets de leurs employés en matière de travail. Tout comme l’éthique protestante donnait à l’homme d’affaires bourgeois « l’assurance réconfortante que la distribution inégale des biens de ce monde était une dispensation spéciale de la Providence divine », l’éthique du travail offre à toutes les époques une puissante justification de l’inégalité économique. De même que « le refus de travailler est symptomatique de l’absence de grâce » (Weber 1958, 159), l’état de pauvreté, moralement suspect, peut aujourd’hui être attribué au manque d’effort et de discipline de l’individu. Après tout, « Dieu » – aujourd’hui nous pourrions ajouter le marché – « aide ceux qui s’aident eux-mêmes » (115). En tant que discours individualisant, l’éthique du travail évite le soutien institutionnel à ce qui est censé être une responsabilité individuelle et occulte les processus structurels qui limitent son champ d’opportunités.

Mais l’éthique du travail ne remplit pas seulement la fonction idéologique classique qui consiste à faire passer les valeurs et les intérêts d’une classe pour les valeurs et les intérêts de tous. Elle remplit également une fonction plus disciplinaire : au-delà de la fabrication de significations communes, elle construit des sujets dociles. L’éthique du travail ne possède donc pas seulement une force épistémologique, mais une efficacité proprement ontologique. En effet, ce qui est essentiel dans l’éthique du travail, telle que Weber l’a décrite à l’origine, c’est ce qu’elle peut faire : livrer les travailleurs à leur exploitation, non seulement en fabriquant le consentement des sujets à l’exploitation capitaliste, mais en constituant à la fois des sujets exploitants et des sujets exploitables. Selon Weber, la fonction de subjectivation de l’éthique est cruciale. Plus qu’une idéologie, le nouveau discours sur le travail est un mécanisme disciplinaire qui construit les sujets en tant qu’individus productifs. L’impact de l’éthique protestante était comparable à l’existence monastique dans la mesure où cette ascèse mondaine cherchait « un contrôle méthodique sur l’homme tout entier ». Elle était et reste, en ce sens, une force biopolitique, qui rend les populations à la fois productives et gouvernables, augmentant leurs capacités en même temps que leur docilité. Comme l’a décrit Foucault dans sa description de la production de l’individualité disciplinaire, « la discipline augmente les forces du corps (en termes économiques d’utilité) et diminue ces mêmes forces (en termes politiques d’obéissance) » ; elle produit « à la fois un corps productif et un corps soumis ». Le sujet individué est à la fois plus utile et plus maniable ; « l’individu n’est pas, en d’autres termes, le contraire du pouvoir ; l’individu est un des premiers effets du pouvoir » (Foucault 2003, 30). »

L’étude de Kathi Weeks vise à défaire l’éthique du travail en la confrontant à deux revendications issues des traditions du marxisme autonomiste : le refus du travail (et la mise en place d’une revenu universel inconditionné tout au long de la vie) et la réduction (drastique) du temps de travail. Je reviendrais sur ces points plus tard.

Dans le chapitre 4 “Hours for What We Will. Work, Family, and the Demand for Shorter Hours”, elle revient sur un des thèmes récurrents de la deuxième vague du féminisme, la réduction du temps de travail. Dans le texte ci-dessous, sa critique porte le lien puissant (et largement occulté) entre l’éthique du travail (nous parlons en français de “valeur travail”) et ce que Julia Schor appelle l’éthique de la famille‧ Elle s’attache à montrer le risque d’une revendication de réduction du temps de travail qui serait justifiée par un gain de temps consacré à “la famille”. Le passage est tout à fait dans le style de l’ensemble du livre : elle puise dans les théorisations de ce qu’on a appelé la seconde vague féministe (notamment dans les années 50/70), un ensemble de propositions qu’elle analyse avec soin, et sur lesquelles elle prend appui, après les avoir soumises à la critique, pour inventer une utopie du travail qui soit à la fois féministe et pertinente dans le contexte du néolibéralisme contemporain.

L’enchevêtrement de l’éthique du travail et de l’éthique de la famille

La famille n’est pas privilégiée dans cette logique et cette vision de la réduction du temps de travail. Le problème est plutôt qu’elle est plus ou moins ignorée. La demande de réduction des heures de travail sera limitée dans la mesure où elle ne tient pas compte des liens mutuellement constitutifs entre le travail et la famille – ou plutôt, pour changer de vocabulaire, entre l’organisation actuelle du travail salarié et le travail ménager non salarié. Le système salarial, les processus de travail, l’éthique du travail et les modes de subjectivité des travailleurs sont intimement liés aux formes de parenté, aux pratiques domestiques, à l’éthique familiale et aux modes de subjectivité sexuée. Les tentatives de remise en question ou de réforme de l’un de ces éléments – comme les horaires et les valeurs dominantes attachées au travail salarié – doivent tenir compte de la complexité de ces enchevêtrements.

Non seulement les salaires – je pense ici au « salaire féminin » et au « salaire familial » – mais aussi les heures, ont été historiquement construites en référence à la famille. En d’autres termes, lorsque la journée de huit heures et la semaine de cinq jours sont devenues la norme pour le travail à temps plein peu après la Seconde Guerre mondiale, le travailleur, que l’on imaginait typiquement être un homme, était supposé être soutenu par une femme à la maison. (Bien qu’il s’agisse bien sûr d’un arrangement majoritairement blanc et relatif aux classes moyennes, il n’est pas nécessaire qu’il soit exact pour fonctionner efficacement en tant que norme sociale et outil politique). Si le travailleur masculin avait été tenu pour responsable du travail domestique non rémunéré, il est difficile d’imaginer que l’on ait pu attendre de lui qu’il travaille au moins huit heures par jour. Comme Juliet Schor l’a fait valoir, ce système d’heures n’aurait jamais pu évoluer sans la division du travail entre les sexes et les taux élevés de travail reproductif à plein temps au sein du ménage chez les femmes à ce moment de l’histoire. Cette division du travail en fonction du sexe, en tant qu’idéal normatif, était soutenue à son tour, dans certains cas, par le travail domestique salarié, qui était lui-même marqué non seulement par le sexe, mais aussi par des divisions raciales. Ces divisions du travail en fonction du sexe et de la race sont également ce qui a permis au mouvement ouvrier de l’après-guerre de se concentrer sur les questions des heures supplémentaires et des salaires plutôt que sur la réduction du temps de travail. Aujourd’hui encore, les hypothèses relatives à la forme de la famille et à la division sexuelle du travail reproductif continuent de sous-tendre et d’être à leur tour sous-tendues par les nouveaux développements en matière d’horaires de travail. Ainsi, par exemple, certaines études suggèrent que lorsque la main-d’œuvre est essentiellement composée de femmes, les employeurs sont plus susceptibles de recourir à des travailleurs à temps partiel pour maintenir la flexibilité ; en effet, certains emplois sont conçus pour être à temps partiel parce qu’ils sont généralement occupés par des femmes. Ainsi, le travail à temps partiel pour les femmes – qui est souvent mal rémunéré et ne comporte que peu ou pas d’avantages sociaux et peu de possibilités d’avancement – continue d’être justifié par la position supposée des femmes en tant que salariées secondaires et principales reproductrices non salariées. Les hommes, en revanche, sont plus enclins à faire preuve de flexibilité en effectuant des heures supplémentaires. Le temps plein et les heures supplémentaires sont mieux à même de passer pour des options raisonnables dans la mesure où l’on peut toujours supposer que quelqu’un d’autre peut assumer la responsabilité principale du travail domestique. Ce que je veux dire, c’est que le temps de travail – y compris le temps plein, le temps partiel et les heures supplémentaires – est une construction sexuée, établie et maintenue par le recours à un idéal familial hétéronormatif centré sur une division traditionnelle du travail entre les sexes. Les tentatives de remise en cause de la légitimité de la journée de huit heures feraient bien de rendre visibles et de contester ces aspects de l’organisation de la reproduction sociale sur laquelle les horaires de travail ont été fondés.

De même, toute tentative de remise en question des formulations contemporaines de l’éthique du travail (NDT : la « Valeur-Travail » en France) devrait également viser les aspects du discours sur la famille qui contribuent à les soutenir. On peut déceler, par exemple, un ascétisme qui se renforce mutuellement et qui anime à la fois l’éthique du travail et l’idéal familial. L’un des éléments les plus persistants de l’éthique du travail au cours de l’histoire des États-Unis est sa valorisation de la maîtrise de soi face aux tentations et ce que Daniel Rodgers caractérise comme une foi dans les « effets aseptisants du travail constant ». Ce même ascétisme productiviste, conçu pour encourager la discipline de travail et l’épargne, a également servi à animer l’idéal de la monogamie maritale hétérosexuelle. Au dix-neuvième siècle, par exemple, la famille blanche de la classe moyenne était idéalisée comme la forme qui pouvait réorienter les appétits et les désirs sexuels à des fins productives. On peut voir cette hypothèse à l’œuvre dans les efforts déployés par les réformateurs sociaux du début du vingtième siècle pour imposer à la fois une discipline de travail bourgeoise et des formes familiales bourgeoises aux ménages immigrés. En effet, l’alliance entre l’éthique du travail et cet idéal familial n’est nulle part plus visible que dans l’histoire de la politique de protection sociale aux États-Unis. Selon le récit historique de Mimi Abramovitz, la politique de protection sociale (Welfare policy) a été façonnée par deux engagements fondamentaux, l’un envers l’éthique du travail et l’autre envers ce qu’elle appelle l’éthique de la famille – un ensemble de normes prescrivant des formes et des rôles familiaux appropriés qui « articulent et rationalisent les termes de la division du travail entre les sexes ». L’une des distillations les plus claires de ces deux systèmes de normes se trouve peut-être dans les efforts manifestes de la réforme de l’aide sociale de 1996 pour promouvoir à la fois l’éthique du travail et le mariage hétérosexuel – par exemple, au moyen d’exigences de travail et de l’application de la responsabilité paternelle. Aussi improbable que cela puisse paraître, le travail salarié et le mariage sont les deux voies socialement reconnues et politiquement approuvées pour passer de ce que l’on a appelé la dépendance sociale à ce que le Personal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act (loi sur la responsabilité personnelle et la réconciliation des opportunités de travail) annonce comme la « responsabilité personnelle ». Les débats médiatiques et politiques plus larges sur la protection sociale, qui s’appuient sur des modèles étroits de ce qui compte comme travail et de ce qui compte comme famille, se concentrent fréquemment sur la mère célibataire pauvre, souvent présentée comme une figure raciale, pour son incapacité imaginaire à se conformer simultanément au modèle familial dominant et aux valeurs hégémoniques du travail.

Ces réflexions sont immédiatement suivies d’un paragraphe très stimulant sur la figure du « tramp« , « le clochard », mais aussi « la clocharde », qui est à la fois celle ou celui qui refuse et le travail et la famille, et constitue donc l’ennemi juré du capitalisme libéral et néolibéral. On n’est pas très loin, même si Kathi Weeks ne le dit pas ainsi, de ce que certain‧e‧s philosophes contemporaines identifient comme position queer : un refus non seulement de la norme, et leur subversion délibérée, mais, plus fondamentalement, le refus de la production/reproduction (et donc à la fois de l’éthique du travail – capitaliste – et de celle de la famille)

La figure du clochard

Le partenariat entre l’éthique du travail et l’éthique de la famille est maintenu dans et à travers une variété de formes culturelles. Cette interconnexion est à l’origine de l’intéressante coïncidence entre les appellations des versions masculine et féminine du clochard. La figure du clochard, considérée comme une menace pour l’ordre et les valeurs sociales, a occupé une place prépondérante dans le discours public de la fin du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle, époque à laquelle le mot en est venu à désigner un jugement moral négatif sur les modes de sexualité féminine (NDT : Kathi Weeks fait ici référence à l’appellation américaine des « female tramp », associée à la figure de la clocharde, supposée prostituée, et par extension, aux femmes « aux mœurs sexuelles indisciplinées ». On connaît peut-être ici la chanson de Cher, « Gypsy’s Tramps & Thieves » (1971)). Ce qui m’intéresse ici, c’est la façon dont le clochard fonctionne comme une figure désavouée à la fois dans le discours sur le travail et dans celui sur la famille, la façon dont une image de contrôle similaire marque en termes comparables la frontière entre le normatif et l’abject.6 Contrairement aux principes centraux de l’éthique du travail et de l’éthique de la famille, le clochard est dans chaque cas une figure de l’indulgence et de l’indiscipline. Les clochards, hommes et femmes, sont des vagabonds qui refusent d’être logés et contenus dans les sites institutionnels dominants du travail et de la famille (voir Broder 2002). Tous deux sont des promeneurs qui refusent de s’engager auprès d’un patriarche stable, comme le montre leur manque de loyauté à l’égard d’un employeur ou d’un mari réel ou potentiel. La clocharde se situe donc par rapport aux modèles lisibles de la masculinité productive et de la féminité reproductive. Étant donné que l’accumulation de biens était censée être l’un des principaux avantages d’une vie disciplinée de travail salarié, et que le respect de la propriété était la pierre angulaire du caractère sacré du mariage, les clochards, hommes et femmes, violent encore un autre ensemble de valeurs sociales fondamentales. Chacun est une figure potentiellement dangereuse qui pourrait, à moins de réussir à l’altérer, remettre en question les avantages supposés indiscutables du travail ou de la famille et contester le caractère naturel supposé de leur attrait (voir Higbie 1997, 572, 562). Tout comme les clochards masculins, ces « méchants sur une scène de travailleurs et d’épargnants », menaçaient d’inspirer des travailleurs autrement dociles par leur « rébellion éhontée contre tout travail », la figure du clochard féminin menaçait les idéaux de bienséance sexuelle et les rôles des femmes au cœur du modèle de la famille bourgeoise (Rodgers 1978, 227). Bien que le langage de la clocharde soit tombé en désuétude, les délits de base que l’étiquette identifiait continuent d’être enregistrés et réglementés au moyen d’images de contrôle plus contemporaines. La figure racialisée de la reine de l’aide sociale, dans laquelle sont distillées les violations supposées de l’éthique du travail et de la forme familiale normative, est l’une de ses réitérations les plus préjudiciables.

Ce que je veux dire, c’est que l’éthique du travail et l’éthique de la famille restent liées par une multitude de fils historiques, économiques, politiques et culturels. Cela rend myope toute prétention à remettre en question les horaires du travail salarié sans aborder l’organisation et la distribution du travail reproductif non salarié, et rend problématique tout effort visant à rétrograder les valeurs dominantes du travail tout en promouvant ou en laissant incontestée l’éthique dominante de la famille. Quels pourraient être les termes d’un mouvement temporel qui ne pourrait être subsumé dans le discours des valeurs familiales ou servir à renforcer le pouvoir des valeurs professionnelles traditionnelles et qui, en prenant en compte l’ensemble de nos heures de travail, rémunérées ou non, pourrait également être un mouvement féministe ?