Cris d’orfraie !

En discutant avec des travailleurs des sixties (ou en lisant de la littérature de cette époque) revient souvent l’idée que, si le patron ou le métier ne plaisait pas, on pouvait démissionner et trouver dans les jours suivants, et sans difficulté un autre emploi. Les rapports de force entre patron et employé étaient différents dans une société du quasi-plein emploi (où les travailleurs étaient politisés).

Depuis les 90’s, les capitalistes se sont efforcés de fabriquer un état de crise accompagné d’une propagande qui vise à persuader que la nature de l’emploi et les conditions de travail importaient peu : ce qui compte (dans la situation de “crise” avec laquelle on nous a rabâché les oreilles ces dernières décennies (c’est pas la première fois dans l’histoire hein !) c’est d’occuper un emploi peu importe sa nature, peu importe le désir du salarié, peu importe même les « conditions de travail » (le travail rend libre, constitue le seul imaginaire possible pour l’épanouissement personnel et autres fadaises que quasiment tout le monde a fini par gober)

La séquence actuelle dans l’histoire des relations entre le patronat et les employés est intéressante parce qu’elle concerne manifestement les travailleurs les plus jeunes. On modérera tout de même son enthousiasme, pour aux moins deux raisons :

1. Il est à craindre qu’elle ne soit que ponctuelle, qu’il ne s’agisse pas d’un mouvement de fond (et surtout, elle n’est pas portée me semble-t-il par une prise de conscience politique au sens large, plutôt sans doute par des motifs individuels) et :

2. Les gouvernants néolibéraux ne renonceront pas à leur projet d’intégrer tous les corps disponibles à la grande machine à fabriquer du profit. Les prochaines réformes du chômage ou des allocations de subsistance (bientôt conditionnées à l’exercice d’une “activité”) et de manière générale l’achèvement de la destruction de tous les acquis sociaux (ceux qui n’ont pas encore été détruits), constituent des armes redoutables pour la continuer la guerre engagée contre les masses populaires au profit des nantis.

Il n’est pas étonnant dès lors d’entendre les patrons pousser des cris d’orfraie en constatant, effarés, que de jeunes gens refusent de se souscrire à l’imaginaire néolibéral du « travail à n’importe quel prix ». C’est un monde qui s’effondre pour eux, ou qui menace de s’effondrer (un frémissement en réalité, faut pas se leurrer !). Un monde où la masse des travailleurs pauvres leur est soumise. Il faudra donc les appauvrir encore plus, ces jeunes gens les précariser, pour les contraindre à rentrer dans le rang.