Sur ce qu’on appelle la “gentrification environnementale”.
Quelques extraits (traduits) du livre de Melissa Checker, The Sustainability Myth Environmental Gentrification and the Politics of Justice, NYC University Press, 2020.
Ces deux premiers extraits concernent la gestion des parcs et des zones “vertes” à New York :
“L’éclat du halo était toutefois limité. Les promoteurs privés, ainsi que les particuliers et les entreprises donateurs, exerçaient un contrôle sans précédent sur la conception, la sécurité et le fonctionnement des parcs auxquels ils avaient fait des dons. Les principaux donateurs de la High Line, par exemple, voulaient que le parc conserve un air de sophistication. Ils ont donc veillé à ce que sa conception ne comprenne pas d’espaces de jeu pour les enfants ou pour les types de loisirs que l’on trouve généralement dans les parcs. La Highline comprenait relativement peu d’endroits où s’asseoir ou s’attarder, et ses vendeurs répondaient principalement aux goûts des touristes et des visiteurs aisés. Les donateurs privés du Brooklyn Bridge Park affirmaient également leur contrôle sur l’espace. En 2017, des résidents vivant dans l’empreinte du parc ont intenté un procès à la ville pour l’empêcher de construire un nouveau projet résidentiel comprenant des logements abordables. Ils ont fait valoir que les revenus des projets résidentiels existants dépassaient les prévisions et qu’ils avaient déjà créé une généreuse dotation pour l’entretien du parc. Il n’était donc pas nécessaire de construire de nouveaux logements. Enfin, Gould et Lewis ont constaté une forte corrélation entre la restauration du Prospect Park de Brooklyn et la construction de logements de luxe à proximité. Simultanément, ils ont constaté une diminution du nombre de résidents de couleur vivant dans ces mêmes quartiers. En d’autres termes, ils ont constaté que « le verdissement des zones urbaines est devenue un code pour le “blanchiment” des zones urbaines ».
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“Les nobles idéaux associés à la nature urbaine se sont développés dans une relation dialectique avec l’industrialisme. Alors que ce dernier apportait le bruit, la pollution, des hordes de gens et des capitalistes acharnés, la nature était valorisée parce qu’elle représentait le contraire – sa valeur immatérielle impliquait l’élévation sociale et morale, le repos et le répit par rapport à tout ce qui était urbain et capitaliste. Paradoxalement, ces mêmes qualités ont fait de la nature urbaine une marchandise précieuse. Une fois que les espaces verts sont devenus un mécanisme de génération de revenus, ils sont également devenus un mécanisme de développement inégal, séparant les résidents blancs et riches des quartiers à faibles revenus et des communautés de couleur. En conséquence, l’aisance a permis un meilleur accès aux parcs et aux places publics. Les récessions économiques ont temporairement inversé ces tendances, car les espaces verts dévalorisés ont permis aux communautés à faibles revenus de se réapproprier l’espace public.
Cependant, dans sa résilience, le capitalisme a coopté ces opportunités et ces interventions. Alors que l’industrie immobilière est devenue de plus en plus centrale dans l’économie de la ville à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, la valeur des espaces verts a également augmenté. Non seulement ils ont augmenté la valeur marchande des propriétés environnantes, mais ils ont également contribué à donner à certains quartiers une image de qualité de vie et de durabilité. Cette combinaison de valeur matérielle et symbolique s’accorde parfaitement avec la tendance à la privatisation des ressources publiques. En fait, les espaces verts sont devenus la coqueluche de la ville durable et néolibérale. Ils étaient enveloppés dans des idéaux de longue date d’élévation, de moralité et de démocratie. Le développement durable a doublé ces idéaux positifs, en y ajoutant le souci de l’environnement, la neutralité politique et l’indifférence à l’égard de la couleur. Soutenus par de telles idées et renforcés par de nouvelles structures de financement qui ont donné du pouvoir aux donateurs individuels et aux entreprises, les espaces verts sont devenus des équipements de luxe. C’est ainsi que la durabilité a fini par pervertir la justice environnementale en habillant d’un vert éclatant un programme agressif et axé sur la croissance.”
Il existe une littérature considérable au sujet de la “gentrification environnementale”. Le phénomène de gentrification s’est généralisé sur tous les continents, concerne la plupart des grandes métropoles du monde, de Paris à Singapour, de New York à Seoul, mais aussi des villes moyennes, sans oublier ce qu’on appelle désormais la “gentrification rurale”.
Dans tous les cas, il s’agit d’un processus qui, dans le cadre d’un réaménagement (rezoning) de l’espace urbain ou rural, entraîne un remplacement partiel ou total des populations qui habitaient les lieux par une nouvelle population dotée de plus haut revenu. Ce processus s’opère quand la destruction ou l’amélioration de l’habitat, et l’augmentation de la qualité du “cadre de vie”, entraînent des investissements massifs de promoteurs immobiliers et une hausse des loyers et du prix de vente des habitations. Ces transformations sont la plupart du temps à l’initiative des acteurs publics, mais se voient relayées et soutenues par les acteurs privés.
Du point de vue économique, le moteur de la gentrification c’est ce qu’on appelle “the rent gap“, c’est-à-dire l’« écart de loyer », ou la différence entre « la rente foncière capitalisée réelle (prix du terrain) d’un terrain compte tenu de son utilisation actuelle, et la rente foncière potentielle qui pourrait être glanée dans le cadre d’une utilisation “plus élevée et meilleure” » (Smith, Neil. 1996. The New Urban Frontier: Gentrification and the Revanchist City. London: Psychology Press.)
L’autre aspect très contemporain (bien que Melissa Checker en fasse remonter la généalogie à la fin du XIXè siècle) de la gentrification, c’est le récit écologiste ou environnemental qui l’accompagne : le verdissement des espaces de vie urbains, dont on connaît les symboles les plus fréquents aujourd’hui : multiplications des espaces verts, murs et toitures végétalisés, tendance à l’exclusion de la circulation automobile au profit des “mobilités douces”, qualité de l’air, de la lumière, mais aussi développement des espaces de délassement et de repos, qualité de l’offre culturelle, alimentaire – les fameux restaurants “world-food” à tous les coins de rue, etc etc.. et, dans sa forme la plus récente, toutes les promesses de la smart city : une existence fluide, non empêchée, et surtout “sécurisée”, d’où toute violence est exclue (prévenue par des systèmes de surveillance invisibles mais généralisés)
Cette promesse d’une vie “soutenable” (sustainable), environnementalement vertueuse, n’est évidemment qu’un mythe, si l’on considère comme le font la plupart des chercheurs, toutes les violences sociales, raciales et environnementales qui sont externalisées pour permettre la fabrication de ces îlots de paix et de prospérité. Les chercheurs en “discard studies” par exemple, ont montré à profusion ce qu’il advient des déchets produits par les habitants de la cité idéale : la propreté de leur paradis dépend de l’externalisation de leurs déchets et du traitement de ces déchets dans des zones voisines où vivent des populations moins bien loties économiquement. La pollution, la toxicité, la circulation automobile, les émissions des industries, sont situées dans ce qu’on appelle parfois les “zones de sacrifice”, lesquelles sont indispensables aux zones de prospérité.
Mais il ne s’agit évidemment pas seulement d’externaliser la pollution, mais aussi d’exclure des populations (immanquablement racialisées, pauvres, issues de migrations externes ou internes – on pense à la masse de paysans chinois ou du subcontinent indien qui s’entassent dans des bidonvilles autour des “usines du monde”).
Et on pense forcément, vu l’actualité, au prétexte que fournissent régulièrement l’organisation de “grands événements” (JO, exposition universelle, etc..) pour nettoyer les villes en appliquant des programmes de ségrégation à peine voilés.
Quelques remarques plus politiques :
1. Melissa Checker évoque un paradoxe bien connu selon lequel les revendications relatives à l’amélioration de la qualité de vie des populations à bas revenu habitant des quartiers urbains pollués ou mal entretenus, peuvent se retourner contre elles, ces populations.
Elle décrit plusieurs cas, par exemple celui du “community garden movement” dans le Lower East Side (connu sous le nom de Loisaida, principalement habité par des Portoricains). Leur revendication portait sur la possibilité de créer des jardins potagers sur des lopins de terre laissés à l’abandon dans le quartier. Je traduis ici des extraits de cette histoire :
“Les jardins revêtaient une grande importance pour les communautés afro-américaines et hispaniques de Harlem. Pour les migrants récents comme pour les résidents de longue date, ils offraient un sentiment de connexion avec le passé rural. Les jardins « casita » d’East Harlem, par exemple, reproduisaient les jardins portoricains en y incluant des poules, des coqs, de petites cabanes (ou casitas), des icônes religieuses et des drapeaux portoricains. Pour les Afro-Américains, les jardins constituaient un lien doux-amer avec l’histoire brutale de l’esclavage et du métayage, ainsi qu’avec les petits jardins que les esclaves et les métayers taillaient parfois dans les parcelles de terre qu’ils cultivaient. Les premiers jardins urbains offraient un minimum d’autonomie aux membres des communautés de couleur à faibles revenus.
Si les jardins revêtent un symbolisme particulier pour les communautés minoritaires, ils témoignent également d’un désir de nature commun aux citadins de tous bords. Comme je l’ai montré, les dirigeants municipaux et les propriétaires fonciers ont historiquement capitalisé sur ce désir, en faisant de l’accès aux espaces naturels une denrée de grande valeur. Les Green Guerrillas ont renversé cette approche axée sur le profit en transformant des terrains vacants et en les réévaluant en termes non monétaires. Cependant, alors que le marché de l’immobilier sortait de la récession, les jardiniers communautaires se sont retrouvés à occuper des espaces beaucoup plus ambigus.
L’écart de loyer créé par les jardins communautaires était particulièrement prononcé. Les jardiniers les avaient déjà débarrassés des débris, de sorte qu’ils étaient pratiquement prêts à être construits. Les jardins étant de plus en plus menacés par les efforts de la ville pour les vendre à des promoteurs, les jardiniers du Lower East Side se sont regroupés et ont organisé des manifestations et des rassemblements tout au long du milieu des années 1990. En 1998, cependant, le maire Rudolph W. Giuliani a annoncé son intention de mettre les 700 jardins communautaires de la ville à la disposition d’intérêts privés. « C’est une économie de marché », a-t-il annoncé. « Bienvenue dans l’ère post-communiste. Les jardiniers communautaires, ainsi que des centaines d’alliés, ont poussé un grand cri, organisant d’autres manifestations et intentant des procès. Lorsque la ville a organisé une vente aux enchères de plusieurs lots de jardins dans le Lower East Side, les manifestants ont lâché 10 000 grillons dans la salle. Les jardiniers ont également demandé l’aide du Trust for Public Land et du New York Restoration Project (une organisation à but non lucratif créée par l’actrice Bette Midler en 1995), qui ont acheté respectivement cinquante-neuf et cinquante-cinq jardins. Quelques années plus tard, la ville a accepté de préserver 198 jardins faisant l’objet de baux de la part de Green Thumb. Elle en a classé 110 autres comme étant « susceptibles d’être développés », tandis que 38 ont été condamnés à une fermeture immédiate, pour être remplacés par de nouvelles structures d’habitation. Les jardins ne faisant pas l’objet d’un bail pouvaient rester en place jusqu’à ce que le terrain sous lequel ils se trouvaient soit vendu ou revendiqué.
Si les jardiniers étaient furieux contre la ville, certains reconnaissaient aussi qu’ils étaient devenus leurs pires ennemis. En effet, les jardins embellissent les quartiers, les rendant plus attrayants et embourgeoisables. En 1998, un activiste local, Henry George, a écrit sur son site web :
« Voyons-nous, comprenons-nous comment la sueur et l’amour des créateurs des jardins communautaires du Lower East Side se sont transformés (inévitablement, car c’est ainsi que fonctionne le système) en leur perte ? Qu’est-ce qui a fait de ce quartier cet endroit funky que les gentrifieurs voulaient embourgeoiser ? Les personnes qui y vivaient et qui se souciaient suffisamment de leur quartier pour s’efforcer de le libérer de la drogue, de la criminalité et du désespoir. »
Il serait trop simpliste d’affirmer que les jardins communautaires ont à eux seuls provoqué l’embourgeoisement du Lower East Side. C’est plutôt une complexité d’acteurs – de son cachet culturel croissant au désinvestissement du quartier et à la dévaluation des terrains, en passant par les incitations municipales et la disponibilité croissante de capitaux mondiaux pour le financement de l’immobilier – qui s’est combinée aux améliorations apportées par la communauté pour embourgeoiser le quartier.”
Le piège se referme donc, comme souvent : l’amélioration de la qualité de la vie rend la quartier soudainement attractif, attirant les spéculateurs immobiliers et le Capital, qui se fixe dans la pierre en attente d’une rente immobilière. Et, quand le bail des loyers expirent, les loyers explosent et de nouveaux habitants viennent prendre la place des expulsés ou relégués dans les marges, profitant ainsi de la greenification de cette partie de la ville (et les finances municipales s’y retrouvent évidemment avec l’augmentation des taxes d’habitation, ainsi que les nouveaux commerces qui s’installent. Les anciens habitants deviennent la plupart du temps indésirables : on les accuse de troubler la paix des lieux qu’ils ont eux-même contribuer à transformer.
2. Cette histoire, qui se reproduit dans bien des villes du monde, apparaît inévitable dans la ville néolibérale contemporaine, d’autant plus quand le maire, ici le fameux Rudolph Giuliani, déclare : “This is a free market economy. Welcome to the era after communism.”
J’aimerais toutefois rappeler à l’attention de tous les habitants de ces zones gentrifiées (et ils sont assez nombreux je crois sur ce réseau) que leur mode de vie “soutenable”, écologiquement vertueux, leurs mobilités douces, les parcs et jardins qui les entourent, et toutes les “commodités” (j’emploie le terme à dessein, qui renvoie au terme “commodity“, marchandise en anglais) que la ville leur offre, ne sont pas sans occulter des réalités plus sordides, dont dépend en vérité leur bien-être. Demandez-vous toujours : où sont passées les anciennes populations qui vivaient ici et que nous avons remplacées ? (s’il y a un grand remplacement, je le décrirais volontiers, de manière provocatrice comme celui des populations de couleur, des indigènes, des classes ouvrières et précaires, par celles des blancs à haut revenus). Ou bien encore : où vont nos déchets ? Qu’est-ce qui est occulté par le beau récit écocapitaliste, le mythe de la soutenabilité environnemental, qui rend le quartier si attrayant, qu’est qui est invisibilisé par cette fable des énergies renouvelables, des bicyclettes (à batterie électrique ou pas d’ailleurs), ces pistes cyclables, des émissions carbonées soi-disant limitées ? Qu’est-ce qui est externalisé, et dans quelle autre partie de la ville, quelle autre endroit du monde, pour procurer l’illusion d’un mode de vie exemplaire ? Où sont les zones de sacrifice sur lesquelles reposent les zones de prospérité ? (ces zones de sacrifice sont disséminées en réalité tout au long de la chaîne d’extraction/production/transport, the supply chain, comme on dit en anglais. Ce sont les lieux de l’exploitation, des humains comme de la terre, de l’eau et des non-humains. Et, devinez : ce sont aussi des zones hyper-militarisées, car il faut bien protéger les flux de marchandises pour que les produits manufacturés parviennent à la porte des consommateurs de la smart city, “just-in-time” : la fluidité dont jouissent quelques-uns se réalise TOUJOURS par l’empêchement et la répression de la vie de beaucoup d’autres – on emprisonne, on violente et on assassine ceux qui luttent dans les zones de sacrifice pour leur survie, mais en réalité, les habitants des beaux quartiers des cités néolibérales, sont comptables de ces violences. La gentrification pourrait de ce point de vue être considérée comme une modalité du capitalisme contemporain global, et déborder largement, dans ses conséquences (et ses raisons), le cadre d’une ville donnée.
Public participation as empty performance of democracy (la participation publique comme une performance vide de démocratie)
Extrait de la conclusion du livre de Melissa Checker, The Sustainability Myth Environmental Gentrification and the Politics of Justice, NYC University Press, 2020 (p. 2010-11)
“La gentrification environnementale et le registre du développement durable qui la soutient placent les militants de la justice environnementale dans une situation sans issue (no-win situation). S’ils se battent pour l’amélioration de l’environnement, ils risquent la gentrification et le déplacement (l’expulsion). Mais s’ils cessent de se battre, ils s’exposent à des risques de contamination toujours plus grands, aggravés par les effets du changement climatique. Ce n’est toutefois pas la seule double contrainte à laquelle les militants de la justice environnementale font face.
À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, l’activisme communautaire est lui-même devenu une sorte de contradiction. Avec le développement durable, la participation du public est devenue un élément omniprésent du discours sur l’urbanisme. Les logiques néolibérales de responsabilité individuelle et de privatisation ont valorisé le bénévolat et l’engagement civique, tout en justifiant le désengagement des organismes publics. Les membres des communautés à faibles revenus, particulièrement touchés par la suppression des services publics, ne disposent pas des ressources économiques et du temps de loisirs nécessaires pour participer à des organisations civiques. Les organisations de justice environnementale, par exemple, sont en concurrence les unes avec les autres pour obtenir de rares sources de financement, qui sont elles-mêmes parsemées de contradictions. Tout d’abord, de nombreuses demandes de subvention exigent que les organisations de justice environnementale disposent d’autres sources de revenus. Deuxièmement, les demandes exigent des mesures et des évaluations de résultats élaborées qui n’ont que peu de rapport avec le travail réel de ces organisations. Enfin, les priorités des bailleurs de fonds sont souvent axées sur l’éducation et la sensibilisation, plutôt que sur des initiatives concrètes visant à protéger la santé et la sécurité des communautés. S’ils sont financés, les groupes de défense de la justice environnementale se voient imposer des exigences onéreuses en matière de rapports à produire. Enfin, après avoir exigé des heures interminables de travail administratif, les bailleurs de fonds accordent rarement des subventions pour couvrir les frais administratifs. Au total, le cycle de financement piège les organisations de justice environnementale dans une série de pièges administratifs byzantins qui épuisent leur temps et leur énergie.
Les rituels de participation publique sont tout aussi épuisants et kafkaïens. La « participation » consiste généralement à commenter des projets de développement prédéterminés ou à contribuer à la mise en œuvre d’un programme préétabli. Au fil des ans, les activistes sont devenus habiles à insérer certains de leurs propres besoins dans ces agendas ; leur succès à cet égard demeure toutefois au mieux ténu. En fin de compte, les organismes publics conservent le contrôle d’un processus public fondé sur la conciliation. Si les activistes critiquent ce processus, ils risquent d’être expulsés « de la table » des négociations. Mais y prendre part implique de sacrifier leur temps et leur énergie. De plus, participer signifie généralement valider un projet ou une politique qui ne fait pas avancer – ou pire, qui va à l’encontre – de leurs objectifs. Tout comme le développement durable est devenue un euphémisme pour désigner un réaménagement axé sur le profit, la participation publique est devenue une performance ritualisée, mais finalement vide, de la démocratie et de la prise de décision partagée.”
Ce thème (développé dans un des chapitres du livre) devrait parler à tous celles et ceux qui sont engagé.es dans des activités militantes (pas seulement dans la perspective environnementale). Il fait référence, et j’y reviendrais en commentaire, à la transformation de la citoyenneté survenu aux États-Unis sous l’effet des philosophies néolibérales dominantes. Vous vous rappelez sans doute la Convention citoyenne pour le climat, dont le pouvoir s’est enorgueilli en la qualifiant d’ “expérience démocratique inédite” – elle l’était, pour le coup, “inédite”, d’une certaine manière mais elle fut surtout une magnifique “performance démocratique” totalement vide, dans laquelle furent piégés ces braves citoyens (avec plus ou moins de naïveté et d’inconfort), tandis que des experts et des bureaucrates s’en mettaient plein les poches (car le travail démocratique non payé des uns assurent le revenu de quelques autres).