Vous avez peut-être suivi ses projets de réforme de la constitution (qui sont une spécialité italienne, rarement suivie d’effets du reste), par exemple celui assurant au Parti arrivé en tête aux législatives (quel que soit son score !! ???? ) d’obtenir 55% des sièges à l’Assemblée (Les Macronistes en rêvent, le RN aussi cela dit : certes nous disposons du 49.3, une bien géniale invention, mais c’est pas très populaire paraît-il). La gouvernabilité n’a pas de prix hein !
Cette-fois ci, c’est un projet qui vise à augmenter la durée des peines d’emprisonnement contre les journalistes considérés comme ayant commis un délit de diffamation.
“Les amendements de Berrino au projet de loi sur la diffamation – initialement signé par Alberto Balboni – prévoient une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans et une amende pouvant aller jusqu’à 120 000 euros en cas de “comportement répété et coordonné” de diffusion de fausses nouvelles. L’amendement ajoute un paragraphe au projet de loi Balboni, qui punit la “diffusion de fausses nouvelles par voie de presse”. Il prévoit également la peine accessoire d’interdiction d’exercer la profession de journaliste pour une période de trois mois à trois ans. “Quiconque, par un comportement répété et coordonné, visant à porter gravement atteinte à la réputation d’autrui, attribue à quelqu’un, par voie de presse ou d’autres produits éditoriaux enregistrés visés à l’article 1er, paragraphe 2, des faits qu’il sait même partiellement faux, est puni, si le fait se produit, d’une peine d’emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 50 000 à 120 000 euros”. En outre, “lorsque le comportement visé au premier alinéa consiste à imputer à une personne que l’on sait innocente des faits constitutifs d’un délit, la peine est augmentée d’un tiers à la moitié”. La peine peut donc aller jusqu’à quatre ans.”
Pour le moment, cela relève plus du test que de la réalité – la démocratie italienne a des ressources qui n’ont pas encore été trop massacrées comme c’est le cas en Hongrie par exemple (un des modèles flagrants de Meloni). Mais, si les institutions européennes et la cour constitutionnelle alertent sur le caractère anti-démocratique de cette loi, je suis persuadé que les droites européennes (qu’on ne distingue plus qu’avec peine des extrêmes droites) observent avec attention ces expériences qui visent l’instauration d’un régime intermédiaire entre la “démocratie à peu près pluraliste” et ces régimes qu’on qualifiera au choix (je vous le laisse) de “démocratie illibérale”, “autoritarisme majoritaire”, “autocratie électorale” (à la Orban, Poutine, Erdogan, avec toutes les nuances qui s’imposent).
à lire aussi :
https://fr.boell.org/fr/2023/10/20/un-de-gouvernement-meloni-un-bilan
Meloni a eu aussi la brillante idée d’instaurer un test psychologique (??) pour les juges et les procureurs – lesquels, comme chacun sait, sont un poil trop à gauche (et tendent à faire obstacle aux politiques migratoires gouvernementales par exemple), et donc ne disposent probablement pas de toutes les dispositions cognitives requises.
Concernant les “accusations de diffamation”, voir le message précédent, on ne peut s’empêcher de penser à cet apisode réczent, où Meloni assigne carrément elle-même en justice l’historien Luciano Canfora (qui aurait qualifié il y a deux ans Meloni de “néo-nazi dans l’âme”…
Un des points de tension j’allais dire : “consubstantiel” à toute “démocratie pluraliste”, c’est celui entre l’indépendance de la justice et la tentation de se doter d’un appareil judiciaire favorable au pouvoir en place. Il y a en gros deux manières de remettre en cause l’indépendance des juges et des procureurs : 1. intervenir dans les procédures de nomination (voir les nommer tout simplement) 2. promulguer des lois (que les juges sont censés appliquer).
On sent bien, rien qu’en énonçant ces deux principes à quel point l’indépendance de la justice a tout d’un mythe, ou, du moins, qu’elle est toujours intrinsèquement menacée : 1. pour éviter que tous les juges adhèrent à la même “tendance politique”, il faut d’abord qu’il existe une véritable alternance politique “au pouvoir” – et pas seulement pendant les campagnes électorales : un parti qui gagnerait les élections depuis des décennies finirait logiquement par disposer d’une institution judiciaire entièrement à son service. 2. Les lois sont très majoritairement vouées à défendre avant tout les intérêts des propriétaires et consacrer les états de force (et de domination) actuels et passés, à commencer par la propriété. C’est évidemment encore plus flagrant de nos jours en France, où l’État ne se distingue guère d’un instrument monstrueux au service des intérêts des classes dominantes.
Bref : les démocraties, même celles qui semblent a priori les plus solides, sont vulnérables dans la mesure où le vers est dans le fruit : elles sont toujours à construire contre des menaces non pas tant “extérieures”, qu'”intérieures” (à quoi bon le pluralisme si c’est toujours les mêmes qui gagnent au final ?). Un gouvernement qui traduirait par exemple “à la lettre” le pluralisme politique en matière de nomination des juges, risquerait de se tirer une balle dans le pied.
(NB : c’est très important de suivre ce qui se passe chez nos voisins les plus proches, notamment en Italie, mais aussi en Grande-Bretagne… On y va tout droit – et on me dit dans l’oreillette qu’il n’y même pas besoin d’élire Marine Le pen pour y aller : le brave peuple de France n’y voit pas d’inconvénients – à quelques gauchistes près évidemment)
Addendum ! (ça n’arrête pas du côté de Meloni en ce moment)
Dans la série, les expérimentations néofascistes de Méloni (énième épisode) voici :
Les fascistes sont obsédés par les bio(necro-)politiques de la natalité, le ventre des femmes, la reproduction du cheptel blanc. Autoriser (c’est-à-dire INVITER) les militants anti-IVG à entrer dans les cliniques, c’est juste… terrifiant.