La sortie de Trump aujourd’hui, suite à l’accident d’avion sur le fleuve Potomak, condamnant les politiques d’inclusion et de diversité, je cite : ‘La FAA recrute activement des travailleurs souffrant de graves déficiences intellectuelles, de problèmes psychiatriques et d’autres troubles mentaux et physiques dans le cadre d’une initiative de recrutement axée sur la diversité et l’inclusion, décrite sur le site web de l’agence ».
Et il ajoute : « Seules les personnes les plus aptes, les plus intelligentes et psychologiquement supérieures devraient être autorisées à devenir contrôleurs aériens. J’ai toujours pensé qu’il s’agissait d’un travail qui nécessitait une intelligence supérieure ».
Elle m’a rappelé un témoignage que j’avais lu l’année dernière dans le Times :
https://time.com/7002003/donald-trump-disabled-americans-all-in-the-family/
(Je n’ai pas la force de traduire cette ignominie)
Trump, conformément à son programme de campagne, est engagé dans une lutte radicale contre la diversité. C’est du suprématisme blanc version hard – si une telle chose est pensable (qu’il y ait des degrés dans le suprématisme).
La diversité, ce sont donc les gens de couleur (a priori suspects, disposables et expulsables, voire pire), les femmes qui ne se comportent pas comme les bonnes épouses dévouées américaines, toutes celles et ceux dont les orientations sexuelles et/ou le genre s’écartent de l’idéal de la famille hétéronormée, et les personnes handicapées (mentales et physiques, les disable people).
Ces représentant‧es de la diversité (et celles et ceux qui les soutiennent) constituent en fait « tous les autres », qui ne peuvent pas être inclus dans la nation américaine, le « nous » américain (ou plus exactement les « other others » – ceux qui, parmi les autres, ne sont définitivement pas comme « nous » et « nous » menacent – de submersion, de déculturation, de disparition).
Et l’anthropologie du suprématisme version Trump ne reconnaît en définitive qu’une seule personne qui ait de la valeur, qui mérite d’être sauvée, et de bénéficier des politiques économiques, et sociales fédérales : « l’homme blanc d’âge mûr » ( de préférence le bourgeois mâle blanc d’âge mûr) : il reprend ainsi cette phrase que je cite régulièrement du sinistre Senator Jacob Howard, prononcé au Congressional Globe, 39th Congress, 1st Session (1866), alors qu’il était question de l’extension des droits (chichement) accordés aux anciens esclaves.
« En tous lieux, l’homme d’âge mûr est le type représentatif de la race humaine » disait le sénateur.
Howard aurait dû ajouter, mais c’était tellement évident qu’il s’en est abstenu : « blanc » – l’homme blanc d’âge mûr – et multi-propriétaire va également de soi.
Cité par Saidiya Hartman, Scenes of subjection. Terror, Slavery, and Self-Making in Nineteenth-Century America.
Voir le commentaire de Saidya Hartman ici :
https://outsiderland.com/danahilliot/le-type-representatif-de-la-race-humaine/
On répète (enfin, je répète après d’autres) souvent que le capitalisme fabrique un « nous » au détriment de tous les autres – que le racisme au sens large est au cœur même de la structure du capitalisme, sans laquelle aucune exploitation (et même aucune extraction) n’est pensable. On peut dire aussi que la société capitaliste se fonde sur l’exclusion – qui est précisément le contraire de l’inclusion que déteste Trump. On se souvient chez nous que dans les années 80 et 90, les politiques (de gauche) n’avaient que « la lutte contre l’exclusion » à la bouche – cette lutte n’allait pas bien loin, mais tout de même, elle témoignait au moins d’une certaine lucidité quant aux effets du néolibéralisme en cours et d’une volonté de les corriger, certes, timidement et à la marge. On finançait quelques actions, on cherchait à « inclure ». On voit bien que cette politique, même modeste, est désormais reléguée dans les oubliettes du contrat social (pas seulement aux États-Unis, et pas seulement en France)
Trump lui, assume explicitement les inégalités. Il n’a aucun scrupule. Mieux encore, il désire la discrimination. Il en fait son cheval de bataille.
Il applique consciemment ce que Achille Mbembé avait appelé le programme nécropolitique (en dramatisant Foucault), c’est-à-dire, une politique de mort, qui distingue « ceux qui seront sacrifiés pour que les autres soient sauvés ».