L’Allier, après avoir récemment débordé de son lit, regagne gentiment ses pénates, mais, quand on longe ses rives, on devine encore la puissance incroyable des flots, on entend ce grondement sourd, l’irrésistible courant qui emporte à grande vitesse les branches tombées en amont. Le contraste est grand avec le calme qui règne dans les étangs alentours. Ici, une tribu de cormorans fait bon ménage avec les hérons, et là, c’est une société d’oies bernaches qui vaque à ses occupations.
Je marche lentement, au rythme de Capou, qui est âgé maintenant – il vient de fêter ses douze ans – et ne galope plus comme autrefois quand il grimpait sur les crêtes enneigées du Cantal. Iris furète ici et là, disparaît dans la forêt fluviale pour réapparaître au détour d’un chemin – seuls les esprits du marais savent par où elle a bien pu passer ! Au retour, nous cherchons Miss Delphine Dora, qui, le casque vissée sur les oreilles, est immergée dans la contemplation sonore des étangs. Je demande à Iris : « Delphine ! Où est Delphine ? », et la voilà qui file comme une fusée sur le sentier, puis vire à gauche et encore à droite, et bientôt, nous apercevons notre musicienne préférée non loin de l’observatoire à oiseaux. On ne saurait se passer d’un chien en promenade.
J’attends qu’une idée vienne, mais décidément, ces jours derniers, l’inspiration fait défaut. Le fleuve et ses abords me plongent dans un état de quiétude absolument parfait, ce petit monde vous berce et rien d’autre n’a d’importance. Plus que jamais, je me sens proche des chiens, avec lesquels, il faut l’admettre, je passe le plus clair de mon temps. Tout de même, je pense vaguement aux Huaorani et aux Yukaghir, et je regrette que le sort ne m’ait pas permis de naître parmi eux. Le monde occidental m’ennuie et je me rends bien compte que passer ses journées à dormir, se promener avec les chiens et lire des récits ethnologiques ou de la philosophie antique n’est rien d’autre qu’une manière de lui tourner le dos autant qu’il est possible.