Avery Gordon, GHOSTLY MATTERS
Haunting and the Sociological Imagination
(1997, University of Minnesota Press, 2nde édition : 2008)
(extrait de la conclusion)
« And thus we return to end with that paradoxical feature of haunting. Haunting always harbors the violence, the witchcraft and denial that made it, and the exile of our longing, the Utopian. When I am a spooky phantom you want to avoid, when there is nothing but the shadow of a public civic life, when bedrooms and boardrooms are clamorous ghost chambers, deep “wounds in civilization” are in haunting evidence. But it is also the case that some part of me in abeyance of the injury and some part of the missing better life and its potentialities are in haunting evidence too. The ghost always registers the actual “degraded present” (Eagleton 1991: 131) in which we are inextricably and historically entangled and the longing for the arrival of a future, entangled certainly, but ripe in the plenitude of nonsacrificial freedoms and exuberant unforeseen pleasures. The ghost registers and it incites, and that is why we have to talk to it graciously, why we have to learn how it speaks, why we have to grasp the fullness of its life world, its desires and its standpoint. When a ghost appears, it is making contact with you; all its forceful if perplexing enunciations are for you. Offer it a hospitable reception we must, but the victorious reckoning with the ghost always requires a partiality to the living. Because ultimately haunting is about how to transform a shadow of a life into an undiminished life whose shadows touch softly in the spirit of a peaceful reconciliation. In this necessarily collective undertaking, the end, which is not an ending at all, belongs to everyone. »
« Et nous revenons ainsi à cette caractéristique paradoxale de la hantise. La hantise recèle toujours la violence, la sorcellerie et le déni qui l’ont engendrée, ainsi que l’exil de notre désir, l’utopie. Lorsque je suis un fantôme effrayant que vous voulez éviter, lorsqu’il ne reste plus que l’ombre d’une vie civique publique, lorsque les chambres à coucher et les salles de réunion sont des chambres fantomatiques bruyantes, les « blessures profondes de la civilisation » sont une preuve hantée. Mais il est également vrai qu’une partie de moi en suspens à cause de la blessure et une partie de la vie meilleure qui manque et de ses potentialités sont également des preuves hantées. Le fantôme enregistre toujours le « présent dégradé » (Eagleton 1991 : 131) dans lequel nous sommes inextricablement et historiquement empêtrés, ainsi que le désir ardent de l’arrivée d’un avenir, certes empêtré, mais mûr dans la plénitude des libertés sans sacrifice et des plaisirs exubérants et imprévus. Le fantôme enregistre et incite, et c’est pourquoi nous devons lui parler avec gentillesse, pourquoi nous devons apprendre comment il parle, pourquoi nous devons saisir la plénitude de son monde de vie, ses désirs et son point de vue. Lorsqu’un fantôme apparaît, il entre en contact avec vous ; toutes ses déclarations puissantes, même si elles sont déroutantes, s’adressent à vous. Nous devons lui offrir un accueil hospitalier, mais le règlement de compte victorieux avec le fantôme exige toujours une partialité envers les vivants. Car en fin de compte, hanter, c’est transformer l’ombre d’une vie en une vie intacte dont les ombres se touchent doucement dans un esprit de réconciliation pacifique. Dans cette entreprise nécessairement collective, la fin, qui n’est pas une fin du tout, appartient à tout le monde. »