Notre Forteresse

Il s’agit d’un épisode du programme Grand Reportage sur RFI réalisé par la journaliste Manon Chapelain, qui travaille en Turquie. Elle a enquêté à la frontière entre l’Iran et la Turquie, et raconte ce qui se passe avec les personnes qui essaient de fuir l’Iran en ce moment.

Depuis la réélection de Erdogan, les choses ont empiré. Les policiers iraniens et turques n’hésitent pas à abattre ceux qui essaient de quitter l’Iran.

Sa visite dans le cimetière d’un village près de la frontière est un moment de radio terrible.

rfi.fr/fr/podcasts/grand-repor

Ce que je voudrais rappeler maintenant. C’est que cette frontière, qui nous paraît tellement lointaine, c’est la nôtre. (nous : européens)

Que ces infrastructures militaires et policières qui empêchent la circulation de ceux qui cherchent un endroit où être, ce sont les nôtres : c’est nous qui les finançons, littéralement. Avec nos impôts. (nous : européens)

Que ces 295 km de béton édifiés à travers les montagnes, sont notre mur. (nous : européens)

Que nous sommes comptables des exactions commises sur ces enfants, ces femmes et ces hommes qui tentent de fuir un régime qui veut leur mort. (nous : européens).

Que les cadavres des migrants qu’on retrouve à la fonte des neiges, des réfugiés égarés dans la montagne et qui meurent de froid, ou que des milices et des gangs ont trucidé durant leur passage, sont à porter sur le compte de notre nécropolitique (comme le dit Achille Mbembé, nécropolitique selon laquelle s’opère le partage mortel entre ceux qui doivent être sacrifiés pour que les autres puissent être sauvés)

Que cette forteresse européenne raciale et sanglante, ce n’est pas un état totalitaire ou d’extrême droite qui l’a conçue. Ce sont nos démocraties libérales européennes.

(et que rejeter la faute sur la cruauté d’Erdogan et ses sbires est d’une hypocrisie sans nom. remplacez Turquie par Égypte, et demain par Albanie ou Rwanda, et hier encore, Nauru, c’est toujours la même histoire : on externalise nos sales besognes, on paye d’autres états pour faire le sale boulot, puis on peut se scandaliser à loisir de la manière dont ils procèdent. Une sinistre blague – sans parler du fait qu’on “barbarise” un peu plus ces états qui internent ceux dont nous ne voulons pas – Julia Morris a très bien expliqué cela dans le cas de Nauru, et ne fait pas de cadeaux à une certain gauche australienne qui s’est empressé d’embrasser un narratif condamnant la supposée cruauté des Nauruans – une autre forme de racisme évidemment)