Puisque nous discutions « recyclage », c’est l’occasion de rappeler que le livre de la chercheuse Max Liboiron, spécialiste des microplastiques et des « discard studies », et militante « feministe / decoloniale », Pollution is Colonialism, a été traduit en français cette année. Chouette cadeau de Noël.
http://www.editionsamsterdam.fr/polluer-cest-coloniser/
J’ai déjà causé à plusieurs reprises des livres de Max Liboiron sur mon blog :
https://outsiderland.com/danahilliot/?s=liboiron
Et voici un extrait tiré d’un ouvrage qu’elle a publié avec son collègue Josh Lepawsky, Discard studies : wasting, systems, and power, MIT Press 2022 (notez que l’ouvrage est sous licence Creative Commons BY NC ND et qu’il est accessible et téléchargeable gratuitement à cette adresse :
https://direct.mit.edu/books/oa-monograph/5337/Discard-StudiesWasting-Systems-and-Power ) – il s’inscrit dans ce qu’on appelle aujourd’hui les Waste Critical Studies.
« Comme le montre la figure 2.1, l’essor de l’environnementalisme, du recyclage à la source, des boycotts d’emballages et du consumérisme vert depuis les années 1970 n’a pas du tout réduit la production de plastique, bien au contraire, puisque celle-ci continue d’augmenter de manière exponentielle. En effet, les emballages plastiques restent la plus grande catégorie de produits plastiques dans le monde (PlasticsEurope 2019). Ainsi, les interdictions de sacs en plastique ne semblent pas « s’étendre » pour avoir un impact sur la production de plastiques ou sur les plastiques du littoral local, même si elles peuvent avoir d’autres effets.
L’inadéquation scalaire dans le contexte du recyclage est un autre domaine central d’étude et de préoccupation dans les études sur les rejets. Samantha MacBride, directrice de la recherche au département de l’assainissement de la ville de New York, est l’une des plus éminentes théoriciennes dans ce domaine. Elle analyse les relations qui sont ou ne sont pas à l’échelle (qui prennent de l’importance) dans l’impact du recyclage sur l’environnement :
« Comment évaluer l’hypothèse selon laquelle le recyclage du plastique réduit la nécessité d’extraire des combustibles fossiles, ou l’affirmation distincte mais connexe selon laquelle la fabrication à partir d’intrants recyclés consomme moins d’énergie, ce qui signifie une réduction de la consommation de carburant à l’échelle de l’économie, et donc une diminution des émissions de carbone ? Il est bien connu que seul un faible pourcentage de l’extraction mondiale de combustibles fossiles est utilisé directement pour la production de matières plastiques. Ainsi, même le recyclage de chaque morceau de plastique ne réduirait pas, à lui seul, la nécessité de forer au rythme actuel de beaucoup…..
Supposons qu’un plus grand nombre d’Américains recyclent leurs plastiques, ce qui se traduirait par un afflux de plastique recyclé sur le marché. Même si de solides boucles fermées sont mises en place, quelqu’un pense-t-il vraiment que les dirigeants de l’une de ces multinationales [pétrolières] en viendraient à dire : « Vous savez, c’est une bonne chose que les besoins en matières premières soient satisfaits par le plastique recyclé, et cela signifie que cette année, nous pouvons réduire un peu la production. Nous n’avons pas besoin d’ouvrir une nouvelle plateforme offshore. Ce n’est pas nécessaire pour répondre aux besoins de la société, après tout ! … dans le domaine des déchets plastiques, nous avons peut-être l’abus le plus flagrant des affirmations selon lesquelles le recyclage va résoudre les problèmes liés à la pollution et au changement climatique. (MacBride 2019, “Does Recycling Actually Conserve or Preserve Things?” Discard Studies (blog). February 11, 2019 => https://discardstudies.com/2019/02/11/12755/ ) »
Le travail de MacBride interroge les hypothèses de déclarations telles que « le recyclage sauve l’environnement » en utilisant des données empiriques et en accordant une attention particulière aux détails des processus de recyclage pour réfléchir à l’échelle (MacBride 2012). Encore une fois, cela ne signifie pas que le recyclage est une pratique inutile, mais que l’utilité du recyclage n’est pas nécessairement d’économiser des matières premières ou de préserver l’environnement. »
(je conseille aussi l’ouvrage de Samantha McBride, Recycling Reconsidered: The Present Failure and Future Promise of Environmental Action in the United States. Cambridge, MA: MIT Press 2012)