Derrière les feux de forêt en Amazonie, une complexité de mondes

Depuis l’arrivée de Bolsonaro au pouvoir au Brésil et dans le contexte d’une accélération des processus du dérèglement climatique, la forêt Amazonienne fait la une des médias. Des photographies de feux de forêt circulent, associées au nom de Bolsonaro, et, trop souvent, l’information se réduit à ces deux éléments iconiques, censés résumer la situation.

La réalité est infiniment plus complexe. Je voudrais juste donner quelques pistes pour ceux qui souhaiteraient mieux comprendre la partie qui se joue en ce moment sur le territoire Amazonien, et qui, avant de « nous » concerner – au prétexte que la forêt pluviale constitue, à l’instar des forêts tropicales d’Afrique centrale et d’Asie, un des « poumons verts » de la planète, et que sa disparition « nous » affecterait -, touche des populations diverses là-bas (loin de l’Europe donc) et maintenant. Pour résumer, les feux de forêt n’affectent pas une réserve écologique dépeuplée, mais un territoire qui, dans sa partie brésilienne, compte entre 18 et 25 millions d’habitants (selon la prise  en compte de certaines zones ou pas), très majoritairement urbanisés.

L’Amazonie brésilienne représente 5 millions de km2, soit plus de 61 % de l’ensemble du Brésil. Par comparaison, l’Union Européenne s’étend actuellement sur 4,5 millions de km2. La population qui vit sur ce territoire a plus que quadruplé depuis 1960. La densité de population varie énormément selon les régions. Au nord on trouve d’immenses métropoles : la région métropolitaine de Manaus fondée par les portugais en 1669 sur les rives du Rio Negro, compte plus de 2 millions d’habitants (2018), Bélem, d’un développement plus récent, capitale de l’État du Pará compte actuellement 1,4 millions d’âmes, et la population de sa région métropolitaine a été multipliée par 10 en un peu plus d’un demi-siècle. Au sud-ouest, à la frontière bolivienne, une ville comme Rio Branco, enrichi par le commerce du caoutchouc, atteint 300 000 hab, Porto Velho, un peu plus à l’est, sur la partie haute du bassin de l’Amazonie plus d’1/2 millions d’hab. Au sud, dans la région du Mato Grosso, à l’entrée de la forêt, la conurbation formée par Cuiabá et Várzea Grande dépasse 860 000 hab. Ces villes ont grandi avec le développement de l’industrie et l’exploitation des ressources minières et pétrolières. Mais elles se sont enrichies également avec la présence des propriétaires d’exploitations agricoles géantes (notamment le soja et l’élevage intensif).

La géographe Bertha Becker pouvait ainsi décrire l’Amazonie comme « une forêt urbanisée ».

À l’inverse, de vastes zones peuvent être considérées comme rurales, dont les densités de population sont beaucoup plus faibles que les agglomérations urbaines, voire proches de zéro. Il faut distinguer ici les terres défrichées, désormais vouées à l’exploitation agricole, notamment la culture intensive du soja  et l’élevage bovin, et les parties forestières non encore défrichées, qui abritent non seulement les tribus amérindiennes (leur nombre est inférieur en Amazonie à 300 000 personnes) étudiées par les anthropologues, mais également, ce qu’on sait moins, une population rurale d’1,15 million de personnes, souvent issues de migrations internes, dont l’impact sur l’environnement demeure modeste.

Sur ces questions, voir par exemple : François-Michel Le Tourneau, « La distribution du peuplement en Amazonie brésilienne : l’apport des données par secteur de recensement » in L’Espace géographique 2009/4 (Vol. 38), p. 359-375, ou « L’Amazonie, « forêt urbanisée » » (sur Braises, un carnet d’hypothèses.org consacré au Brésil moderne).

 

Horticulture sur brûlis

Réseaux routiers (les installations de paysans aux abords des axes routiers)

Tourisme

Déforestation pour libérer des espaces pour l’agriculture (le cas de la réforme agraire depuis Lula)

Grands barrages hydro-électriques

Prospection et extraction minière

Ces feux de forêt n’ont rien à voir avec ceux qui ont défrayé la chronique cet été dans les régions septentrionales de la planète (Alaska et Sibérie), mais plutôt avec ceux qu’on observe régulièrement en Papouasie.