L’année 2016 s’annonçait moyen moyen moins. L’empire de la bêtise s’étendait irrésistiblement et accaparait toute chose – croiser une pensée pensante devient un événement exceptionnel, dont on a du mal à se remettre, et douloureux, dans la mesure où cette expérience nous rappelle un temps où une telle rencontre n’était pas si rare, &c. Ma propre bêtise surtout gagnait du terrain, je le sentais, avec l’âge, ça ne va pas mieux, dois-je convenir, et justement, ce qui ne me plaisait guère avec ce début d’année 2016, en plus de l’état du monde et des pensées tout autour, c’était qu’immanquablement, au beau milieu du mois de janvier, j’étais soudainement plus vieux d’un an, ce qui à chaque début d’année ne rate pas, j’en prends une, mais là, franchement, je sais pas pour vous (et en fait non, je ne sais pas pour vous), ça commence à faire, à faire beaucoup. Habituellement, j’évacue la question en frimant un peu : “j’aime assez vieillir, je me sens notablement plus sage, moins esclave de mes pulsions, je suis pour moi-même et quelques autres sans doute un meilleur guide en ce bas monde” – peut-être mais bon tout de même hein !
Delphine me disait tantôt que c’était marrant qu’un vieux (48 balais, piges, lunes) écoute comme ça de la musique d’ados. C’est vrai. Et c’est justement parce que (je vieillis et qu’écouter des bands post-punk américains &c.)
Basement est un groupe anglais (du coup, pas américain), originaire d’Ipswich, dans le Suffolk, né sur les ruines d’un premier groupe nommé This for fun (un groupe d’ados en bermuda assez punkie). Promise Everything est leur troisième LP, toute leur discographie étant sortie sur l’excellent (mais alors vraiment excellent, inépuisable même) label Run for Cover (records), basé à Boston, Massachussets. En 2012, le groupe fait une pause. À durée indéterminée. Chacun des membres du groupe souhaitant s’assurer d’une vie professionnelle un peu plus stable que celle que promet en général un rock band – Andrew Fisher, le chanteur, passe ses diplômes d’enseignant, son frangin, James, rentre dans une école d’art, Alex Henery devient vidéaste pour Run For Cover. Bref, chacun assure ses arrières – genre de chose que je n’ai jamais songé à faire quand j’avais leur âge, ça se paye plus tard, mais bon, on n’a qu’une vie &c &c.
En 2014, le groupe sort un single cinglant, d’une efficacité redoutable, Further Sky (c’est grâce à ce titre que j’ai commencé à les écouter). L’album qui consacre le retour aux affaires de Basement est donc Promise everything, fort de 10 titres au son clair et aux mélodies acérées. Chaque titre sonne comme un classique, si bien qu’après une semaine d’écoute, j’ai le sentiment de les avoir toujours entendus (Y’avait une place dans mon cerveau musical pour ces chansons précisément, fallait juste attendre qu’elles adviennent à l’Être (Stop Me If You Think You’ve Heard This One Before)). Il a vite rejoint le contenu de ma super clé usb que j’écoute sur l’autoradio de ma Saxo – l’auto que je réserve pour mes sorties en terrain peu stable, aux routes mal entretenues, et notamment, quand vient l’hiver, aux épaisseur de neige et traversées de congères. L’album parfait en tous cas pour se remettre dans le bon sens avant d’aller galoper avec les chiens dans la poudreuse en forêt du Ché ou sur les estives. Cet après-midi, pour ne rien vous cacher, j’ai chanté Halo sur la piste bleue de ski nordique, et au retour, sur la piste verte, c’était Brothers Keeper (mais bon, va vraiment falloir que je travaille ma voix, ou alors que j’arrête de fumer, ou encore les deux).