Au matin, vers 7 heure et demie, nous allons grimper, Iris et moi en forêt de Belles Aigues, sur la face nord de la vallée qui monte au Lioran. Il a plu ces derniers jours et l’orage menace encore, situation habituelle au mois de juillet. Malgré l’heure matinale, il fait déjà chaud et humide, et les pentes, au fur et à mesure que nous gagnons en altitude, deviennent plus escarpées. Iris vaque comme à l’habitude à ses occupations de fin limier, courant sous les sapins le museau à ras de terre, bondissant par dessus les troncs pourrissant, se fondant parfaitement dans le décor, la terre et les écorces brunes. je l’appelle de temps en temps, car de la montagne descendent des torrents creusant autant de ravines et de gorges encaissées : elle revient toujours langue pendante, se frotte contre mes jambes et file aussitôt explorer les environs. À quelques centaines de mètres de la crête et des estives, la forêt se fait plus dense, le sentier s’efface et, pour atteindre le sommet, il faut désormais grimper à travers bois : la pente est raide, la terre humide, les rochers peu solides et les troncs glissants rendent la progression difficile : Iris se retrouve bloquée sur une sorte de promontoire de terre. Je la rejoins comme je peux, en m’aidant de mon bâton. Nous voilà tous deux à mi-chemin de la pente : redescendre semble plus périlleux que poursuivre l’ascension. Je glisse la laisse sur le dos d’Iris, et nous gravissons péniblement, avec forces glissades, parfois à genoux, mètre par mètre, la forêt. Mettre Iris en laisse est tout compte fait une bonne idée. Nous nous efforçons tous deux de trouver des passages viables et surtout, grâce à cette laisse nous voilà en quelque sorte encordés, et c’est un avantage dans ces conditions : quand elle peine à passer un obstacle, je peux l’aider en tirant un peu sur la corde, ou bien en la portant dans mes bras, et quand c’est mon tour de manquer d’un appui ferme, elle grimpe au-dessus de moi et tire sur la laisse pour me hisser de quelques centimètres supplémentaires. Riche idée donc. Bon an mal an, nous arrivons jusque en lisière de forêt. Longue pause dans l’herbe humide. je sors quelques biscuits que nous dégustons, le temps de reprendre nos souffles. Le début de la descente s’effectue également hors sentier, selon la même technique : il y a de nombreux ravins ici, et je préfère garder Iris près de moi. La forêt est dense et, durant la traversée des sous-bois, je perds mon chemin. La chienne a pris les devants je suppose, et a disparu de ma vue depuis dix bonnes minutes. J’appelle sans m’inquiéter particulièrement : elle finit par pointer le bout du museau en remuant la queue — il y a non loin une petite clairière, et j’ai tout lieu de croire qu’elle souhaite que nous passions par là. Je décide donc de la suivre, puisque j’ignore où je suis. Effectivement, après la clairière, les arbres s’écartent et une large piste forestière apparaît. De retour à la voiture, nous sommes évidemment passablement mouillés et couverts de terre jusqu’aux genoux. Mais sans doute devenus encore plus proches en ayant partagé cette expérience de solidarité anthropo-canine.