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En mettant ces livres à disposition des lecteurs, en les republiant sous une licence “ouverte”, je suis en proie à des sentiments partagés.
Une partie de moi éprouve une certaine peine à renoncer aux mondes littéraires traditionnels, celui des éditeurs et des libraires, et la notoriété susceptible de les accompagner. Mais une autre partie éprouve un soulagement, et même une sorte de joie, à l’idée d’écrire à ma guise, sans aucunement me soucier du jugement des éditeurs. Et, comme répondait John Langshaw Austin, un philosophe que j’ai beaucoup aimé naguère, à un journaliste qui lui demandait pourquoi il publiait si peu : “Il y a bien assez de livres comme ça !”
Trois de ces livres (Un Débarras, Sauver sa peau et Alpestres), cependant, ont été publiés (entre 2014 et 2016) : chez L’Orpailleur, une remarquable petite maison d’édition tenue avec talent par mon ami Christophe Havot (lui-même remarquable écrivain) : il reste encore des exemplaires de ces livres, et il m’a autorisé à diffuser librement les versions numériques : merci à lui !
L’Émancipation des domestiques, un recueil de nouvelles, a été publié lui aussi, mais chez un éditeur dont le sérieux laissait à désirer. J’ai donc corrigé et amélioré le texte (avec l’aide de mes amis, notamment Grégory Haleux) et en donne aujourd’hui une version beaucoup moins fautive.
Les deux derniers n’ont pas suscité l’enthousiasme des éditeurs, malgré le soin que j’ai pris à la choisir et à leur écrire personnellement. Sans doute, comme il est d’usage quand on est débordé par tous ces tapuscrits reçus, se contente-t-on de lire les trois premières pages. Je n’écris pas des livres qui se dévoilent au bout de trois pages. Je n’écris pas des livres pour intéresser les éditeurs. L’économie de mes textes relève d’une nécessité et d’une cohérence qui leur est propre, ce qui n’a rien d’original en soi. Tant pis pour eux et tant pis pour moi.
Moldanau est sans doute mon texte le plus littéraire et le plus ambitieux. J’y ai consacré trois ans de ma vie. Je suis persuadé que s’il avait été composé dans une autre langue (au hasard : l’allemand), et à une autre époque (au hasard, les années 60 et 70 du siècle dernier), il aurait suscité quelque attention. Mais je crois que les mondes littéraires français ont d’autres chats à fouetter que ces ouvrages alambiqués, ces pseudo-romans qui s’interrogent sur la littérature elle-même, l’être et le néant, et menacent de détruire le récit qu’ils promettaient (dans les trois premières pages donc !). Peu importe. Comme bien des écrivains, je porte avec moi un monde littéraire imaginaire dans lequel je converse avec des pairs qui ont emprunté avant moi les sentiers que je fraye à mon tour. Et cela me suffit.
Il m’a fallu seulement trois mois pour rédiger Perturbations sur les hauts-plateaux, une sorte de polar pré-apocalyptique, qui met en scène un détective privé dans le Cantal en 2035. J’avais bon espoir que cet ouvrage délibérément “grand public” soit accepté dans les maisons d’éditions spécialisées dans les littératures de genre. J’avais tort. Le style n’a pas grand chose en commun avec celui de mes précédents textes, mais on retrouve au fil des récits mes obsessions habituelles. Et surtout j’y ai mis beaucoup de mes spéculations sur la catastrophe climatique en cours, en essayant justement de composer un récit qui assume le monde à venir, d’une manière pour tout dire assez réaliste. De fait, en le relisant, je me rends compte que sous sa légèreté, le récit aborde des questions morales et politiques d’importance, quoique avec pas mal d’ironie.
Voilà. Nous sommes en 2024. Je continuerai à écrire bien entendu – que pourrais-je faire d’autre ?
Vous, lectrices et lecteurs, pourrez les lire si le cœur vous en dit, et surtout, partagez et faites circuler les versions numériques ! Ces textes procureront peut-être, qui sait, du plaisir à quelques esprits. (et s’ils vous ont plu, n’hésitez pas à m’écrire pour m’en faire part)