dyeuksaglissait (Arno Schmidt)

“Il fit si sombre que nous n’arrivions plus à distinguer la route ! (Ou plutôt non ; pas de point d’exclamation : ça ne s’est tout de même pas produit aussi sténographiquement vite ; déjà que j’ai la réputation de me trimballer avec un sac plein de points d’interrogation et d’exclamation, de vociférations donc : ce n’est pas vrai !!). / Quelques secondes plus tard, il se mit à tomber de la grêle, il tombait des grêlons dont certains avaient la taille d’une noix. Le vent soufflait abominablement ; impossible pour les vélos de lui faire front, ils étaient poussés sur les bas-côtés – quelques grêlons “forcés” de frapper les sonnettes et de pénétrer dans les poignées des guidons, luisaient ; (et au même moment je vis aussi la pointe de ses oreilles rougeoyer ! Sinon rien de plus ; aucune partie agaçante à quelque endroit de notre corps, rien non plus dans les bois environnants, rien.)

Mais même ma démone commençait à se sentir mal à l’aise. (Peut-être en apparence seulement : parmi ceux qui figurent dans le Kürschner, qui sait encore se débrouiller avec une démone ? Certainement pas ceux qui le prétendent. Et les “lecteurs”–ahmondieu. Les “lecteurs” sont ceux qui disent toute leur vie “parapluie” pour une chose à la vue de laquelle un écrivain pense “une canne en jupons” !). / Elle me rappela discrètement 1 “jeu de pensées étendu” que j’avais localisé, dans ma prime jeunesse, ici dans le Nonnenbusch : ? – Je fronçai le front copieusement grêlé (puisque à présentmême le bord supérieur de mon rétroviseur (chouravé) commençait à devenir phosphorescent). Nous nous accordâmes rapidement ; par des sourcillades, des bribes de mots, lèvres circonflexes, jongleries de mains. Pour tourner à gauche ; (elle me laissa malicieusement “commander”– donc “réveiller des souvenirs” ; mais cette engeance est bien trop rouée pour moi.) ; descendre le sentier pentu et boueux, dyeuksaglissait : peuton nommer uneplanchsurunruisseau “passerelle” ?…

En tout cas, la grêle devenait vraiment dangereuse ! (Moi & beaucoup de chevaux de cette région, nous eûmes nombre de bosses & de bleus le lendemain.) / Nous nous jetâmes, tête la première, dans une resserre de pins. Accroupis sous la défense barbelée(= cheveux de frise osseux) des mortes d’en dessous. Et attendions. –. ”

 

(Arno Schmidt, Histoires, traduction Claude Riehl)