D’une prétendue inaction face au changement climatique

Par pitié, cessons de nous plaindre qu’ “ils” ne fassent rien, ou qu’ “ils” n’aient rien fait. En réalité, ces quatre dernières décennies, ils ont au contraire montré un zèle infaillible pour étendre l’économie de marché jusqu’aux confins des mondes habités et même inhabités. Leur avidité insatiable n’a épargné quasiment aucun être – des poussières minérales aux arbres centenaires, toutes bêtes et hommes jusqu’au dernier : tous devaient contribuer à épuiser la soif du marché global et des spéculateurs financiers. Absolument rien, ni personne, n’était censé échapper aux griffes de l’hyper-capitalisme contemporain.

Mais ce faisant, ils ont fait beaucoup plus que ça : ils ont aussi détruit les environnements, ont épuisé les sols, creusé les montagnes, dévasté les forêts pire encore, ils ont dépossédé des populations entières du lopin de terre qui leur suffisait pour vivre, ils les ont contraintes, toujours par la violence et parfois « pour leur bien », à abandonner leur manière décrétée obsolète d’habiter leur monde, ils l’ont fait ici et partout ailleurs. Ils se sont moqués de leurs savoirs traditionnels, de leur arriération mentale, de leur ignorance absurde.

Ce faisant, maintenant que la catastrophe survient, entièrement par leur faute, ces dépossédés sont privés des ressources qui leur auraient permis de survivre, de la même manière que sont privées de leurs forces, les forêts, les marais, les montagnes et les îles.

Alors il est stupide de se plaindre qu’ “ils” n’aient rien fait. En réalité, ils continuent de faire ce qu’ils font depuis des décennies. Parce qu’ils ne savent rien faire d’autre.

Et les populations des pays riches, qui auront les ressources, n’en doutons point, de sauver leur peau (ou celle de la plupart d’entre eux), continueront, comme elles l’ont toujours fait, à constater d’un œil accablé l’abominable sort des populations les plus pauvres des pays lointains, mais, trop occupées à sauver leur peau donc sur le dos des autres, puisque c’est de cela qu’il s’agit, sauver sa peau au prix de celles des autres – c’est après tout ce que “nous”, les occidentaux, faisons depuis quelques siècles n’est-ce pas ? – trop occupés à débattre, à se plaindre, à s’adapter pour continuer à mener leur barque comme elles aiment à le faire, confortablement, elles s’enfonceront jusqu’aux confins de l’ignominie (laquelle, malheureusement, ne tue pas – ça se saurait)