Un Débarras

Couverture un débarras pour souscription4ème de couverture :

Un soliloque d’une modernité confondante où jamais l’expérience du lecteur ne cède à l’expérimentation de l’écrivain. Aucune expérimentation d’ailleurs, aucune recherche : la forme rude, radicale, du récit n’est pas un exercice de style mais une nécessité. C’est l’immédiateté du discours qui impose ses règles, l’urgence du récit qui fait loi. Et si la muse de l’auteur a certainement été analysante, ce monologue n’est ni un compte-rendu d’analyse, ni une confession, encore moins une autobiographie. Est-ce seulement un monologue ? Ou simplement « un morceau de rocher [qui] tombe lentement vers la mer et disparaît dans une gerbe d’écume » ?     Thomas Vatant·Antonelli

Rudement culotté que de préconiser la lecture d’un livre singulier où il s’agit de s’encorder, de suivre la falaise sans escales, ni codes, ni chemins. Flux de mots où s’écorcher. Physique l’expérience, dans la chair. Vous vous souvenez du geste sec avec lequel les paysans ferment leur couteau après avoir taillé un bois tendre et noble ? C’est la musique de ce « débarras ». C’est pas un livre, c’est un os. Le plus éclatant des os. J’aime ce que ce livre me fait être.     Nadine Castagne


Lisez les 3 premières pages du livre en cliquant ici.


Une évocation sonore originale, œuvre de Delphine Dora est à retrouver ici.


Critiques

Dire que j’ai aimé le livre serait une litote. Donc, pour l’avoir aimé, et comme à l’accoutumée, lorsque j’ai été pris dans un univers, je m’efforce de ne plus le quitter en en rejoignant l’une des constellations (ça file les métaphores à toute vitesse, contrairement au Débarras). Parmi celles-ci, il y a les auteurs que Dana Hilliot cite dans l’ouvrage, notamment Werner Kofler, que je me suis empressé d’aller lire. J’ai immédiatement saisi le sens de cette référence, qui fait lien avec le reste de l’ouvrage. Dana Hilliot, me semble-t-il, aurait pu ajouter le Molloy de Beckett, ou encore L’Ulysse de Joyce. Mais il ne le fait pas, ce qui n’est jamais fortuit chez lui. Lorsqu’il cite Joyce, il s’agit du Joyce de la nouvelle. Non pas Le Grand Joyce, mais Joyce le « petit ». Avant d’atteindre les sommets, il faut encore se bagarrer dans les plaines (et qu’il y en a des bagarres chez Dana Hilliot). A l’instar de certains livres de Kofler, chez Dana Hilliot, il y a l’impossibilité d’écrire une histoire sans la dénoncer comme une histoire, c’est-à-dire un artifice, tout en l’écrivant malgré tout, ou plutôt, devrais-je dire, tout en la désécrivant malgré tout. A mesure que la lecture de l’ouvrage avance, Dana Hilliot essaie d’en ruiner le récit comme sa forme par divers moyens : recours à l »‘insignifiance » comme des histoires de la vie de son protagoniste, refus des dialogues, des personnages, de la littérature bourgeoise ponctuée par ses effets de style/de manche, des auteurs peu connus qu’il cite, bref à saisir le « minuscule » de nos vie ce livre est aussitôt un grand livre. Plus il repousse le lecteur (« qui aura continué de me lire page… »), plus il l’/m’attire. Plus il évacue le récit de ses mondanités, plus il le remplit de vie, de nos vies, qui ne sont rien d’autres, au fond, bien au fond, que des débarras.

David F. (France)

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J’ai déjà rencontré dans mes lectures des livres à une seule phrase, ce qui est déjà en soi une originalité mais là, si originalité il y a à ce texte, elle me semble plutôt dans sa facilité de lecture (…), on ne s’y ennuie jamais, et dans sa sincérité, son honnêteté radicale, peut-être ment-il, invente-t-il, mais ce n’est pas l’impression que ça donne, et c’est de plus tellement au second degré, tout est exploré et disséqué, pour ne pas dire charcuté. On est immergé dans ce pessimisme, ce rejet de tant de choses, cette horreur de la médiocrité, de la facilité, qui parfois se teinte de mépris et d’injustice face aux gens, aux villes, aux maisons, ce qui est petit, ce qui est moyen… C’est aussi sans doute ce qu’il dit lui-même p 57, une diarrhée verbale, même si je préfèrerai régurgitation, rejet de tout ce qui lui est resté dans sa vie en travers de l’estomac. Pourtant cela s’écoule exactement comme un fluide, comme si les mots, au lieu d’être détachés, étaient collés entre eux ou dilués dans un liquide transparent qui les entraîne et leur permet de se déverser, mais pas dans de l’eau, plutôt un gel, le gel hydro alcoolique avec lequel toute la population mondiale s’enivre à cet heure. Le résultat est prenant, presque jubilatoire, alors que sur le fond, c’est désespérant, c’est accablant. Preuve de réussite littéraire, à son corps défendant.
J’ai mis un certain temps, trente, quarante pages, à faire émerger ce que cela m’évoquait, soit Thomas Bernhard, Maîtres Anciens (…). A fait également surface dans ma mémoire, assez confusément, Cioran, De L’Inconvénient d’être Né (…) et enfin des réminiscences de Nietzsche dont je n’ai lu que des bribes.
Donc, le personnage de ce débarras, que je vois alcoolique, asocial, paranoïaque, méprisant, obsessionnel, inadapté, solitaire, coléreux, agressif, hors norme, agoraphobe mais aussi téméraire, obstiné, lucide, plein d’autodérision, ironique, parfois sympathique, qui aurait besoin une bonne fois d’être consolé de l’existence, et finalement, je préfèrerais de beaucoup le croiser sur un sentier, tout seul avec son chien et ses chaussures, plutôt qu’un groupe de marcheurs braillards, avec un guide de surcroît dans un endroit où une bonne carte suffit.
(…)
En fait, il y a tellement de sujets abordés dans ce livre qu’il me faudrait plus de pages et de temps pour écrire tout ce qui m’est passé dans la tête. Les mots foisonnant, dense, bouillonnant traduisent bien. Enfin il y a l’humour, la harangue aux cartons, la chasse à courre, les coureurs en montagne rivés à leur chrono… et il a beaucoup de philosophie, de quoi proposer une bonne vingtaine de sujets de terminale.
(…)
Ce livre ressemble au Stromboli (il le dit d’ailleurs p 157, un volcan en fusion) avec ses explosions toutes les demi-heures qui secouent l’île et votre lit d’hôtel, ses éruptions où il crache sa lave fulgurante dans la mer par l’échelle de feu, flamboyant depuis l’antiquité sur l’humanité qui l’entoure, furieux et obstiné, l’entend qui veut bien, le comprend qui peut, l’admirent certains.
(…)
C’est un livre à relire régulièrement, pour ne pas se laisser aller, pour se remettre d’aplomb, en question.

Sylvie Aubriot (France)


Liens

Pour suivre et lire les nombreux et divers écrits de Dana Hilliot, consultez son site Outsiderland.