Tout droit !

Avec Iris (Capou est resté au bercail avec Delph), on va se faire un direct tout droit en montagne : le principe est simple, on part d’un point A, on vise un point B (un sommet et 400 mètres de dénivelé), et on grimpe droit devant, en passant les obstacles comme ils se présentent. C’est parti, depuis le pont de fer, pour une traversée de forêt, ça sent bon l’automne, on trace notre chemin sans ralentir, tout droit tout droit, il est déjà cinq heures et la nuit tombe vite, faut pas traîner. Puis on arrive à l’estive, au nord du Cirque de Chamalières — nous croisons un couple qui redescend : ils sont depuis ce matin aux myrtilles, ont déjeuné sur l’herbe, n’ont vu absolument personne et sont surpris de me voir grimper à cette heure-ci. Le monsieur dit : le cirque de Chamalières, c’est le plus bel endroit du Cantal, je dis, ô oui ! ô oui ! Et j’ajoute : c’est ma station de ski l’hiver ! ôô, font-ils, et me voilà encore à parler de mes skis finlandais. Après la causette, il est temps de repartir : tout droit tout droit ! On longe le cirque du côté nord, tout droit tout droit, Iris galope au milieu des myrtilles, en grignote une de temps en temps, court après les oiseaux qu’elle surprend, on se perd, Iris ! Iris ! On se retrouve, alors on s’embrasse, comme tous ceux qui se sont perdus puis retrouvés, c’est à chaque fois une immense joie, ha tu es là !, ça commence à haleter, ahaner, s’essouffler, les dernières pentes sont rudes, on aurait pu prendre le chemin qui grimpait doucement sur la droite, mais non, c’est un jeu stupide, il faut aller tout droit, c’est tout, c’est pas compliqué, tout droit, tout droit !, altitude : 1649 mètres, Rochers de Chamalières, nous voilà, je lève les bras comme un alpiniste ayant atteint le sommet du Nanga Parbat, puis on se trouve un petit coin en contrebas, à l’abri du vent, et on se restaure : quelques friandises pour la demoiselle, une banane et une clope pour le monsieur, et de l’eau à volonté pour les deux, c’est peu dire qu’on est heureux, au sommet du monde, parfaitement seuls, contemplant les crêtes et les pâturages. Dire que, dans quelques semaines, tout sera blanc, la neige recouvre tout, les pierres et les rochers, les genêts et les myrtilliers, les barbelés, les ruisseaux et les torrents, tout vous dis-je, la neige, c’est pour bientôt. Six heures du soir, temps de redescendre tranquillement, on suit le ruisseau, les pieds dans l’eau, mais Iris, maline, passe par la forêt, voilà déjà les près au dessus du Pont de fer, avec les troupeaux de Salers qui nous observent, circonspects, ça me fait mal au cœur de redescendre, mais c’est une petite déchirure que je connais, mais après tout, on a faim, Delph et Capou nous attendent, faut se ramasser comme on dit ici !

 

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