Une clairière oubliée

la clairière au bois des Fraux

Promenade du vendredi matin au bois des Fraux.


Comme je n’ai plus d’appareil photographique, je vais utiliser des mots alors. On a garé la voiture (le bois des Fraux est à cinq minutes du jardin) près de la table de pique nique, au grand croisement à l’entrée de la forêt. Iris et moi donc. On avait juste croisé un bûcheron sur la route, sinon, personne, la forêt pour nous tous seuls donc. J’ignore si nous tous seuls se décline au pluriel ou pas mais je m’en fous.
On a pris le chemin qui va vers l’ouest, qui s’enfonce dans les sous-bois. Puis on a filé vers le nord, au milieu des sapins. Le ciel était couvert mais pas menaçant. Bientôt, j’ai eu chaud, j’ai quitté ma veste de randonnée, Iris galopait dans les fourrés et se perdait dans l’obscurité des taillis : mais elle revient toujours, et c’est à chaque fois une grande joie, quand elle revient, elle saute et rigole autour de moi : tu sais pas dis ? J’ai vu ça et ça et ça ! À un moment, j’ai dit : on quitte le chemin, on s’enfonce à travers bois. Je le fais souvent, s’enfoncer ainsi, se perdre — et quand je quitte le chemin, bizarrement, Iris demeure sagement à mes côtés. À un moment, une éclaircie à l’orée des bois : en vérité, une vaste clairière entourée d’une clôture à vaches qui soutient quelques murets en pierres sèches abandonnés. On passe dessous, et là, c’est un miracle. En plein milieu de ces bois que je connais mieux que le contenu de ma poche, nous découvrons une vaste parcelle de prairie, avec de lourds rochers, une dizaine de puits — on entend l’eau couler sous les plaques de métal –, et deux petits promontoires avec quelques arbustes, et un superbe petit buron en schiste dont le toit est de tuiles de lauze à moitié recouvertes de mousse, à l’intérieur, c’est bien humide, mais assez propre, il y a deux pièces comme dans les burons traditionnels, la pièce à vivre et la réserve, et même une cheminée en ruine, on pourrait sans trop de peine restaurer les lieux, plus loin, après les puits, et une sorte de zone marécageuse, une cabane d’orage, un abri en pierre de la hauteur d’un homme assis. Je suppose que le propriétaire des lieux y amène les vaches à l’occasion, et d’ailleurs, en allant au bout du pré, on débouche sur un large chemin que je connais bien, j’avais déjà vu l’entrée de ce pré mais, bizarrement, m’était toujours tenu à l’écart. C’est un pré secret et miraculeux, une des plus belles clairières que je connaisse. J’imagine déjà y bâtir une maison, un centre dédié au repos, à la contemplation. En traversant le pré, nous surprenons un jeune chevreuil qui boit près d’une source. Iris le course, le chevreuil passe sous la clôture, et ma chasseuse préférée s’en tient là, regardant les bois avec attention. Elle est désormais habituée à voir ces belles bêtes gracieuses durant nos balades. Iris est heureuse, et moi aussi, c’est pas tous les jours qu’on fait une découverte de ce genre, une clairière magique au milieu d’une forêt qu’on croit connaître mieux que la poche de sa veste.