Promenade du soir

Un chien hurle. Une chouette semble lui répondre. Voilà un joli concert de fin de soirée. Bientôt Minuit sur le village. Iris fait consciencieusement le tour du quartier. Le village est tout petit, mais il se débrouille quand même pour compter plusieurs quartiers – 80 âmes (humaines), presque autant de chiens, beaucoup plus de chats et des milliers d’oiseaux. Iris vérifie d’abord et en premier lieu si par hasard Patrick, qui laisse toujours ses fenêtres grandes ouvertes, quel que soit le temps, aurait abandonné encore ce soir quelques restes de son dîner à l’entrée du jardinet. Puis elle court après le chat d’un voisin – qui d’un air las se contente de grimper sur un petit muret et d’observer le chienne entre deux brins de lilas -, avant d’aller narguer le chien du trompettiste, enfermé dans sa cour et qui hurle en vain derrière la grille en fer forgé. File ensuite dans le jardin de Monsieur Paul, un bien joli jardin potager ma foi, mais elle prend soin de ne pas marcher sur les bandes plantées, évitant les salades naissantes.

La Lune – (arnoschmidtienne) au quart, veille sur la très ancienne forteresse abandonnée aux ronces et aux orties.

Madame Hélène, qui est sourde comme un pot, monte à fond le son de la télévision. (Je tends l’oreille au passage – moi qui n’ai pas la télévision depuis plus de vingts ans, je suis toujours curieux de cette bête-là)

Je sifflote dans les ruelles une chanson triste d’Aidan Moffat et Bill Wells. Elle me fait penser à la mort bien sûr, et à l’Écosse, forcément, et me voilà songeant à Virginie. Elle m’avait fichu une baffe au sommet du Ben Nevis, “pour l’ensemble de mon œuvre” pourrait-on dire. Je ne l’avais pas volée. Qu’est-ce qu’on foutait là-haut ? Une catastrophe. Un final grandiose peut-être (qu’avait-elle vraiment en tête en me proposant cette balade en Écosse, à moi qui rêvais tant de monter là-haut ?) ? Toutes ces choses qu’on ne saura pas et qu’il est bien trop tard pour savoir. Bien trop tard. Deux mois après être redescendue du Ben Nevis, la joue en feu (je n’avais pas répliqué), je prenais congé d’une impossible vie (au nom d’autres possibles). Maintenant, que reste-t-il ? La maladie l’a emportée. Mon pauvre amour. À la fin bien sûr, je ne l’aimais plus tant. Si je retourne en Écosse.. Mais comment ? Moi qui n’ai plus un sou vaillant. Et si j’y retourne ? Quelles pensées sur le ferry menant de Zeebruges à Hull ? Toute la nuit, j’avais bu sur le bateau – à en vomir. Ça n’avait aucun sens pour moi, j’aurais adoré aller en Écosse mais j’aurais tellement aimé ne pas y être à ce moment-là. J’aurais aimé mais pas comme ça, pas avec elle, pas à ce moment-là. N’avait-elle pas réussi à ruiner mon rêve d’Écosse ? Était-ce là son but secret ? (ou bien, pensais-je alors, en restant sur mes gardes : me reconquérir ?) Et puis elle est morte. L’année dernière. C’est juste triste. Vraiment.

Le téléphone sonne : Wells & Moffat ?

Quelle chanson..