Perturbations

Hier dimanche, je me suis levé dans un état assez fébrile. Pour au moins deux raisons. Premièrement parce que j’étais absolument persuadé que le premier tour des élections avait lieu ce jour-là. Secondement parce que j’avais rêvé une bonne partie de la nuit d’un livre que j’ai commencé à écrire ces derniers jours, qui porte précisément sur les rêves. Si bien que je rêvais un rêve portant sur les rêves de mes personnages. En réalité, ce n’était pas du tout le jour des élections, mais par contre, mon nouveau livre ne m’a pas laissé en paix de la journée. Sinon, je suis allé me promener en forêt du Ché avec les chiens, et j’ai regardé l’arrivée de l’Amstel Gold Race. Je n’ai pas posé les fesses sur une selle de vélo depuis environ 35 ans, mais je ne rate quasiment jamais la diffusion d’une course si j’en ai l’occasion. Le lendemain, même topo : j’ai découvert peu après le réveil, après une nuit de rêves littéraires à nouveau agitée, que ce lundi était férié, que c’était le lundi de Pâques et que je n’avais pour me sustenter qu’un paquet de pâtes et des céréales au chocolat. J’ai reçu un jeune patient harcelé par des gamins plus âgés, on a beaucoup ri durant la séance, puis je suis monté au cirque de Chamalières avec les chiens, deux heures de marche sous un beau soleil frais, et j’ai fait la sieste à cet endroit, au pied des sommets, sur un coin d’herbe entre deux névés ayant survécu au printemps précoce, le plus bel endroit du monde à mon avis, après quoi, j’ai cuisiné mes pâtes avec un reste de sauce tomate et j’ai regardé successivement l’arrivée de la première étape du tour des Alpes et les derniers kilomètres du Trop Bro Leon. Après quelques heures d’écriture, un peu de jardinage, un repas semblable à celui de midi, puis j’ai visionné Seoul Station, un film d’animation du cinéaste coréen Sang-Ho Yeon, l’auteur du dernier Train pour Busan, un véritable pamphlet dénonçant les dégâts sociaux du capitalisme sud-coréen, un film très engagé, et j’ai beaucoup aimé.

 

Bref. Il y a des perturbations. J’ai un livre sur les bras dont je ne sais que faire, et un nouveau livre en chantier. Je fume trop et je bois de la Ricoré toute la journée pour éviter le café et parce que le thé me ruine les dents, lesquelles sont déjà mal en point (des dents de prolétaires, sans conteste). J’ai passé la moitié d’une heure sur le net pour prendre la température de ces foutues élections de merde. Et j’en ai assez vu et entendu pour confirmer mon diagnostic (de foutues élections de merde). Je suis notamment resté scotché devant un extrait d’un meeting de l’autre empaffé de jeune cadre dynamique de mes deux, et mon avis est qu’il est devenu complètement fou : ses ouailles se comportent comme des fans devant une star de la pop, tous de gentils jeunes gens issus de la bonne bourgeoisie citadine, prompts à s’enflammer pour n’importe quel guss qui leur sert un sermon vide et creux mais avec une musique très forte et des effets de scène – on se croirait aux Journées Mondiales de la Jeunesse catho, on dirait le pape. L’autre empaffé de FF de son côté drague sans aucune réserve la frange la plus allumée de la catholicité française. Merde, on est où là ? Et ces deux mecs sont censés représenter les intérêts du Capital. Debord avait raison : le spectacle est le moyen central de la propagande capitaliste (et les jeux du cirque ont toujours été prisés du pouvoir, c’est une façon fort efficace de garder les masses sous contrôle).