Par de grandes chaleurs

Cherche désespérément un endroit où vivre (A Place to come to pour reprendre le titre du chef d’œuvre de Robert Penn Warren). Quinze années dans le Cantal, autant d’hivers et autant d’été, à plus de 1000m, habituent l’organisme à un climat plus tempéré – les canicules, en général, sont moins brûlantes, et rares sont les jours de l’année où les températures excèdent les 25°C.

L’âge y fait aussi sans doute, mais je suis devenu parfaitement intolérant à la chaleur, dont le seuil subjectif (pour moi donc) s’abaisse au fur et à mesure que je vieillis (et passe mes hivers dehors à crapahuter dans la neige). En ce moment, je dirais qu’au-delà de 22°C j’ai tendance à me terrer dans mon bureau ou la chambre à coucher – par chance, notre nouvelle maison, une bâtisse ancienne, coincée dans un bourg minuscule, adossée à l’église, demeure particulièrement fraîche. Iris de la Loupette, épagneule de son état, est dans le même état que moi d’ailleurs, et voir comment elle fait demi-tour après quelques pas dehors lors de sa sortie matinale me peine et aggrave mon cas. De fait, on se promène elle et moi quand la nuit tombe (hier soir encore, errions dans les ruelles du village jusqu’à près d’un heure de la nuit, pas pressés de rentrer). Capou, petit Spitz, malgré l’épaisseur de sa fourrure, s’en sort mieux semble-t-il (mais il ne part plus tellement en randonnée à son âge).

J’ai le souvenir d’avoir marché tout le jour lors de randonnées épiques en plein cagnard dans mes jeunes années, et j’appréciais je crois le ruissellement de la sueur et l’épaisseur de l’air brûlant. Aujourd’hui, c’est fini. Je hais la chaleur et, considérant les climats à venir, je crains de devoir souffrir pire encore dans les années qui viennent.

En attendant l’hiver qui viendra bien à son heure, je cherche sur la terre un endroit frais (un refuge pour mes vieux jours : maintenant donc) – Ces planisphères en 3D, proposées par le service américain de météorologie sont particulièrement parlantes – et assez sinistres. Pour ceux qui doutent du réchauffement climatique global, consultez-les régulièrement (par exemple, ces jours-ci , la situation en Inde est apocalyptique).

La Nouvelle-Zélande, le sud du Chili (et la côté Pacifique de l’Amérique du sud) – on est en hiver là-bas. Les régions les plus septentrionales – encore qu’il fasse déjà très chaud en Sibérie – , et encore.. les massifs himalayens jusqu’à l’est du Kirghizistan. Mais voyez ces taches rouges jusque dans le grand nord Canadien. J’imagine dans les décennies à venir les populations les plus fortunées gagnant ces derniers îlots de fraîcheur (ou de douceur). Il n’y aura pas beaucoup de place (ça a déjà commencé du reste et en Nouvelle Zélande par exemple, les autochtones râlent déjà contre les hyper-riches qui s’installent).

Où donc aller (“où atterrir ?” comme dit Bruno Latour) maintenant ? Si j’en avais les moyens, je filerai sans aucun doute dans le Grand Nord, mais, condamné par une condition de nécessiteux chronique, je me contenterais sans doute d’aller marcher la nuit, et de grimper sur les hauteurs du Forez au petit matin ou encore de suivre quelques ruisseaux serpentant dans d’obscurs sous-bois.