Le troupeau dans le lotissement

23h30 : Je sors fumer la cigarette du soir sur la terrasse, et je tombe nez à mufle, pour ainsi dire, avec un taureau. Une dizaine de vaches laitières s’ébattent dans les jardins du lotissement, se régalent gentiment des fleurs et autres jeunes pousses des potagers voisins. Illico, j’appelle untel puis untel, les paysans que je connais. Monsieur et ses dames n’hésitent pas à pénétrer dans les propriétés privées (y’a pas beaucoup de portails chez nous) et s’en vont mugir et meugler sous les fenêtres des gamins endormis — forcément ça fait du grabuge : les papas sortent. J’appelle madame C. parce que les bêtes se prélassent dans leur potager. Damien, qui revient du tennis de table à bicyclette, se fraye un chemin entre les animaux. On fait pas nos fiers mais on parvient à déplacer le troupeau, une dizaine de bêtes avec le taureau, hors de nos jardins — et les voilà parties sur le chemin derrière chez nous, direction le village. Cécile et Sandrine, deux paysannes, arrivent en voiture : elles sont par là-bas je dis. On en a déjà trouvé trois, mais le problème, c’est qu’il y en a 22. Ô putain, 22 vaches en liberté dans le village ? Ben oui, on n’est pas couché ! — tout cela avec le sourire, pas inquiète pour deux sous, juste embêtées à cause des éventuels dégâts dans les jardins

Sandrine : elles ont du sauter par dessus les barbelés en suivant le taureau — faut s’en méfier, il plane un peu ce taureau qu’elles disent — ha, fais-je en songeant à ma rencontre inopinée de tout à l’heure (pour un peu, il aurait sonné à notre porte le taureau : planant, oui !)

En même temps, c’est la deuxième fois que ça arrive, seulement, en un an. Et j’ose pas imaginer si ça avait été le chouette troupeau d’Aubrac et Salers du pré d’à côté.. Parce que bon, les laitières, hein, z’ont l’habitude qu’on les conduise ici et là, mais les allaitantes, c’est parfois plus sportif — en tous cas, on a eu vite fait de rentrer les chiens !

Ce qui me fascine c’est la tranquillité des gens, tous d’origine paysanne, des habitués des grosses bêtes — avec Delphine, on fait pas nos fiers dans ces moments-là. Par exemple, Madame C. ou encore Brice, nos voisins les plus proches, ils savent les mots qu’on dit aux vaches, quelque chose comme EK EK, BEÏ BEÏ, c’est là qu’on voit les habitués. En tous cas, j’ai adoré discuter avec mes voisins et les paysans qui sont venus, le village qui sort du lit à 23h30, c’est chouette.