L’absurde rêve d’autonomie

Pour la plupart des objets qui incarnent le “confort moderne” (automobiles, électro-ménager, informatique et j’en passe), il y a quelque part une mine, une forêt dévastée, un fleuve asséché, des travailleurs exploités, parfois des gosses, de la misère et de violence. Toux ceux qui, à gauche comme à droite, rêvent d’ “autonomie” pour la France, se mettent profondément le doigt dans l’œil. Les “non-alignés” et autres nationalistes fiers-à-bras passent sous silence non seulement le fait de notre dépendance radicale. à ces ressources “naturelles” aussi bien qu’ “humaines'” (la main d’œuvre à très bas salaire et aux conditions de travail digne de l’esclavage pur et simple), et ils s’accommodent fort bien de politiques économiques tout bonnement coloniales. Leur rêve absurde d’ “autonomie”, n’est que de la forfanterie, et ce chacun-chez-soi et ce tant-pis-pour-les-autres, ce patriotisme économique stupide, surtout quand il se dit “de gauche”, équivaut en réalité à renoncer aux valeurs de justice, de solidarité, de fraternité, qui constituaient le socle de l’imaginaire de la gauche, forcément internationaliste. Le patriotisme économique qui s’affiche sans vergogne chez ceux de LFI ou du PC en France actuellement est honteux.

Il faut repenser les relations économiques internationales, à la fois selon les critères de la justice et de la crise climatique, mais aussi de la démocratie. Il doit être dorénavant intolérable que des êtres humains se tuent littéralement à la tâche pour que nous puissions continuer à jouir de notre “confort moderne”, intolérable que ce même confort moderne affecte, par sa continuation même, la survie des habitants les plus pauvres de la terre, en aggravant la crise climatique, et il est urgent d’adopter une perspective internationale, plutôt que de marcher sur les plates-bandes du nationalisme le plus éhonté, et laisser les visions globales aux tenants du libéralisme de marché et aux businessmen.

 

(Version alternative sur le thème : “la gauche française embourbée dans  la perspective nationaliste”

Le drame de la gauche, c’est de s’être montré incapable durant cette campagne d’adopter la seule perspective pertinente face aux crises mondiales (pandémie, climat, guerre, inégalités) : une perspective internationale. Au lieu de ça, on a un concours de nationalisme. Les candidats n’auront pas été capables d’apporter une vision alternative ni à la propagande néolibérale et son business illimité, ni au nationalisme xénophobe des droites conservatrices et réactionnaires. Ils se seront enferrés dans de pathétiques débats franco-français. Quitte à se prendre une tôle, c’était au moins l’occasion de repenser de fond en comble les modèles avec lesquels on fait de la politique, aller écouter ce qui se dit ailleurs, en Afrique, en Amérique Latine, en Asie, en Europe etc. Les seules ébauches d’une telle réflexion, dans les programmes publiés en tous cas, auront été chez les anticapitalistes (Kazib et Poutou), par tradition aussi, et chez les écologistes, crise climatique oblige. Mais ça aura été bien timide. On n’ose plus, tétanisé par les emphases nationalistes des droites, faire appel aux valeurs de solidarité et de fraternité dans une perspective cosmopolitique. Les inégalités encore plus aberrantes quand on les considère d’un point de vue mondial, l’ “environnemental justice”, le néo-colonialisme, la surexploitation des ressources au profit de quelques-uns et au détriment de tous les autres, on n’a pas osé. On aura laissé le champ libre aux néolibéraux (qui, eux, ont une vision globale – ignoble certes, mais globale)