*ISAAC DE L’ÉTOILE moine cistercien et philosophe*

Je fouille et découvre des textes écrits il y a longtemps. Ainsi, cette étude que j’avais publiée dans les Collectanea Cisterciensia (revue qu’on ne trouvera que dans les bibliothèques très spécialisées et les monastères cisterciens), et d’autres encore, au sujet de ce moine anglais, abbé de l’Étoile, abbaye sise non loin de Chauvigny, Isaac de Stella, dont les sermons connurent une certaine renommée en leur temps.
Voici un extrait de la prose d’ Isaac, abbé de l’Étoile, puis condamné à l’exil sur l’île de Ré (qui n’avait rien à l’époque d’un lieu de villégiature, mais avait été dévastée à plusieurs reprises par les pirates et les vikings). Une superbe déclinaison du thème de la fuite au désert.

« Et voilà pourquoi, mes biens-aîmés, nous vous avons conduits dans cette solitude retirée, aride et âpre [hanc semotam, aridam, et squalentem…solitudinem]. Dessein astucieux ! il vous est possible d’y être humbles, impossible d’y être riches. Oui, dans cette solitude des solitudes, perdue dans la mer, au large, n’ayant presque rien de commun avec le monde [hanc solitudinem solitudinum, ut in mari longe iacentem, cum orbe terrarum nihil ferme commune habentem], nous voulons que, privés de toute consolation mondaine et pour ainsi dire humaine, il y ait en vous silence complet du monde [prorsus sileatis a mundo] puisque, sauf cet îlot à l’extrémité des terres [praeter hanc modicam insulam], pour vous le monde n’existe plus.

O Seigneur dans mon éloignement j’ai fui, dans ma fuite je me suis éloigné au point que, vous le savez, je ne vois absolument pas d’au-delà où je pourrais fuir et m’éloigner. Un jour, dans mon désir de fuite, dans ma soif de solitude1, j’ai fini par aborder dans ce désert si vide et si lointain [in hanc demum appuli eremum, vastam adeo et semotam] : plusieurs de ceux que j’appellerais les complices de cette expédition m’ont abandonné, un très petit nombre m’a suivi jusque-là, eux aussi ont en horreur l’horreur même de la solitude [quibus etiam est horrori horror ipse solitudinis], et je l’éprouve parfois, je l’avoue. Il y a eu, Seigneur, renchérissement de solitude sur la solitude, de silence sur le silence [superaccrevit etiam, Domine, super solitudinem solitudo, silentium super silentium]. Car pour être plus habiles et plus exercés à parler à vous seul, nous sommes forcés, bien forcés, de garder entre nous le silence. » (S. 14, 11-12)

Il y a plus de vingt ans, j’ai donc publié des textes sur la spiritualité médiévale ou le néoplatonisme de l’antiquité tardive. Et pourtant, quand je m’y replonge aujourd’hui, rien n’a vraiment changé. Je sens les ombres paternelles d’Isaac de l’Étoile, de Plotin et de Jean Scot Erigène, pères d’adoptions, veiller sur mes cheminements.

J’ai rassemblé ces études dans un volume  : ISAAC DE L’ÉTOILE, MOINE CISTERCIEN ET PHILOSOPHE. On peut se le procurer sur le site d’impression à la demande lulu.com.