Gris

Ciels uniformément gris – ciel du matin, ciel de l’après-midi, et quant au soir, la nuit fond déjà sur la Planèze bien avant l’heure du dîner, pas la peine d’en parler (quoique : les étoiles). Et quelques averses. Et ce vent de sud est.

Me lève tôt, satisfait à quelques obligations – mais à midi, je ne suis plus obligé par rien, et, dès après le repas, m’installe pour la lecture : le tome IV des Commentaires sur le Timée de Proclus, dans la traduction du Père Festugière (des interactions complexes qui lient le Vivant-en-Soi, le démiurge et la multiplicité des divinités hypercosmique et encosmiques) après quoi je m’endors un peu.

Dans l’après-midi, balade entre deux averses, sur le chemin derrière chez nous. Iris file à fond de train derrière je ne sais quoi – qui assurément bouge et se chasse. Revient dans mes pattes l’air satisfaite. Le ruisseau en contrebas du pré au sud est bien gonflé – la sécheresse des dernières semaines n’est plus qu’un souvenir. Il fait doux, trop doux pour la saison. Humide aussi.

Au retour : les sonates de Francis Poulenc. J’aime particulièrement la sonate pour hautbois et piano. Une de ces dernières œuvres (avec la sonate pour clarinette et piano). Mais aussi la sonate pour flûte et piano.

On a fixé la date du déménagement. Aurons-nous de la neige ce jour-là (en décembre donc) ?

Au printemps nous quitterons ce pays lointain (qui ne nous semble pas si lointain à nous autres, qui sommes désormais, après quinze années, un peu d’ici quand même).

Des idées se pressent. Prendre des notes, mais avec modération. On relancera la machine à écrire plus tard, au printemps, quand la saison d’hiver sera passée. En attendant, j’essaie de calmer la machine à penser. Ne pas trop. (semi-paralysie mentale en partie délibérée). S’il faisait meilleur temps dehors, j’y passerai mes journées.

Voilà une vie étrange. Je vieillis, et plus je vieillis, moins j’ai goût aux choses d’aujourd’hui. Au contraire, je me réfugie dans le passé, mes chères antiquités d’abord, piochant selon l’humeur d’Homère à Damascius (il y a de quoi faire non ? C’est là plusieurs mondes, et plus d’une culture sans doute), des musiques légèrement surannées (de la musique de chambre surtout), quelques lieders romantiques, d’inamovibles paysages (que seul le climat changeant modifie), et : caresser les chiens, jouer avec eux, manger, dormir, attendre l’hiver, la neige, et bientôt donc, partir (on ne sait pas bien où au juste).

La version de Jean-Pierre Rampal, forcément !