Des Sports d’hiver et de la pandémie

Suivi aussi du feuilleton “ouverture ou pas des stations”. C’est assez fascinant de voir que la partie se joue au niveau Européen. Les responsables au col de la Loge ou à Prat-de-Bouc sont (ou devraient être) suspendus aux décisions prises par nos voisins Allemands, Autrichiens, Italiens, Espagnols et Suisses (on passera sous silence les stations nordiques Belges).
En gros, les Allemands, toujours très précautionneux et prévoyant à juste titre une troisième vague à venir, voudraient un consensus sur la fermeture de toutes les stations en Europe (enfin, j’imagine qu’ils se fichent un peu des stations Scandinaves ou en Europe de l’est). Ils sont suivis par les Italiens (un peu traumatisés, on les comprend). Les Autrichiens et les Suisses veulent ouvrir. Les Espagnols, je sais pas. Les Frenchies se tâtent (et attendent de voir si Merkel obtiendra ce fameux consensus). Difficile de faire une croix dans certains pays sur une ressource majeure de l’économie (Autriche notamment).
Au-delà de la question des stations de sports d’hiver, qui ne concernent qu’une part infime de la population Européenne, même si, dans certains territoires, comme dans le Cantal par exemple, une grande partie de l’économie repose sur les activités touristiques hivernales, au-delà de cette question donc, il est intéressant de constater (une nouvelle fois) les différentes manières dont la crise pandémique est gérée.
Les prévisions et les recommandations des épidémiologues sont semblables dans tous les pays Européens, il ne faut pas se leurrer là-dessus. Il existe une sorte de politique sanitaire radicale qui consisterait à reconfiner radicalement (ou, disons, au moins comme en mars) jusqu’à ce que le taux de transmission du virus ait atteint un niveau minimal permettant de reprendre le contrôle de l’épidémie (par le suivi des personnes contaminantes et la mise en quarantaine des transmetteurs les plus virulents). Cette politique sanitaires idéale se heurte au réel – les êtres humains ne sont pas des entités statistiques pures, dieu merci ! Et même les plus radicaux des épidémiologues savent fort bien que ce qui était plus ou moins accepté par la population au printemps dernier ne l’est plus cet automne, ne le sera pas cet hiver et encore moins au printemps prochain.
On peut gloser tant qu’on voudra sur les choix des dirigeants ici et là, il n’empêche que c’est vraiment une croix pour la raison cette pandémie. Chez nous, l’ouverture des commerces dans les jours qui viennent, et la perspective des fêtes de fin d’année, promettent la survenue d’autres regroupements susceptibles de provoquer des clusters viraux et de faire redémarrer l’épidémie dès le début de l’année prochaine – avec donc le spectre d’un nouvel épisode de tension hospitalière entre février et avril. Ce scénario est tout à fait connu. Mais quelle population en Europe serait en mesure d’accepter aujourd’hui ou demain ce qu’elle a dû accepter au printemps dernier ?
Si un reconfinement au printemps prochain est inenvisageable, mais que la situation hospitalière devient à nouveau dramatique, sans parler des dommages collatéraux (effondrement économique, précarisation sociale et psychique, contestation violente), alors on va au-devant d’une crise non seulement politique mais aussi morale. Ce qu’un avis du conseil scientifique laissait entendre au mois d’octobre, en suggérant au détour d’une phrase que la question des “soins prioritaires” risquait de se poser un jour (elle se pose de fait, dans certains hôpitaux, mais pas dans le débat public pour le moment).
Tout ça pour dire que derrière cette décision apparemment anecdotique de l’ouverture des stations de sports d’hiver à Noël, il se joue des choses autrement plus complexes.