Des ours considérés comme résidents (liminal animal denizen)

http://www.adn.com/article/20140617/black-bear-cubs-steal-children-s-lunchboxes-apu

« “Our biggest concern is the two-legged critters that stop to get photographs and video,” Shell said. People are getting too close to the bears, he added.

(The sow) hasn’t been aggressive towards people at all,” Shell said — and he’s asking for the public’s help to make sure it stays that way. “I hope that everyone will give them some space.” »

Le chef de la police a lu Zoopolis, c’est pas possible autrement !
“J’espère que chacun leur laissera un peu d’espace.”
En Alaska, autour des villes, et même dans les villes, la présence des ours crée une situation étonnante, pour nous qui considérons d’abord les ours comme des animaux sauvages. Pour la plupart des habitants de cette planète, l’ours doit être rangé dans la catégorie des animaux sauvages, mais, dans certains villes d’Alaska (et pas des moindres, Anchorage par exemple), les ours doivent être (aussi) considérés comme des animaux liminaux (liminal animal). Leur statut “politique” au sens des auteurs de Zoopolis, ne peut être celui des animaux sauvages (lesquels devraient bénéficier d’une “souveraineté” dans leur espace vital), mais celui de “résidents” (denizens) (et non pas de “citoyens”, statut réservé aux animaux domestiques dans Zoopolis). En tant que résidents, les ours des villes d’Alaska (et de nombreux villages situés sur les côtes arctiques) bénéficient d’un certain nombre de droits — mais il faut également faire en sorte qu’ils ne représentent pas un danger pour les citoyens (humains et non-humains, par exemple les animaux domestiques). L’exemple des ours d’Anchorage est un cas-limite, comme l’est celui des loups du Mercantour (dans la mesure où, là aussi, un équilibre doit être trouvé entre la résidence des loups aux abords des pâtures et le devoir que nous avons de protéger les animaux domestiques dont nous avons la charge, en l’occurrence, les brebis — tant qu’il en reste et qu’il reste des hommes pour les élever et les amener aux estives).

Parmi les bonnes pratiques envers les ours “péri-urbains”, on trouve des considérations énoncées sous la forme négative : par exemple, éviter de s’approcher de trop près des animaux (pour faire une bonne photo par exemple), ne pas interagir de manière agressive, et surtout ne pas les nourrir (et donc prendre soin de ranger ses poubelles dans des containers hermétiques) — mais également des considérations “positives” : soigner les individus malades, leur ménager des corridors d’accès aux arrières pays plus sauvages (il arrive que les ours se retrouvent aux abords des villes et ne sachent plus comment retourner dans l’arrière-pays — parce qu’on a bâti des obstacles urbains par exemple, que la ville s’est étendue), etc etc.

Le statut des animaux “résidents” (liminal animal denizen) est assurément l’un des plus intéressants dans le livre de Sue Donaldson et Will Kymlicka : il demande à la fois de considérer des problèmes extraordinairement variés et concrets — au point qu’au-delà des règles générales énoncées ci-dessus, il faut également considérer le cas de chaque espèce indépendamment, voire de chaque individu, tel renard qui vient se nourrir dans le jardin, tel groupe de loirs qui occupent le grenier, et il est possible, dans certains cas, de nouer des relations de solidarité avec un animal liminal en particulier — et donc d’inventer des solutions pratiques, d’imaginer et de proposer des améliorations dans nos relations avec ces visiteurs qui décident de s’établir à nos portes (voire : chez nous). Et là encore, plus que jamais, il importe de mieux connaître ces animaux, la raison de leur présence parmi nous, et donc de développer les travaux d’éthologie urbaine ou péri-urbaine.

 

SOURCE : «When it comes to urban bears, sometimes people are the problem»
by Sean Doogan
Alaska Dispatch, 12 juin 2014

« Black bear, cubs steal children’s lunchboxes at APU »
by Tegan Hanlon

Alaska Dispatch, 17 juin 2014