Capitainerie

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J’avais cru que la porte de la Capitainerie était fermée à clé. Traversant bien la cour intérieure du château, j’étais passé bien des fois devant ce bâtiment, mais, fasciné par les remparts en ruines de la forteresse, je l’avais dédaigné. Ce soir, parce qu’une petite pluie striait la nuit hivernale, je cherchais un abri pour prendre note de quelques idées qui m’étaient venues, et j’ai poussé la porte de l’épaule. Elle ne m’opposa aucune résistance, et j’entrais, accompagné d’Iris, pas moins curieuse que moi.

Une couche de poussière s’élevant du sol pierreux. Une grande table, de quoi accueillir une bonne quinzaine de convives, une vitrine à glaces comme on en trouve dans les cafés en bordure de plage, quelques bancs, des chaises en plastique blanc s’amassant dans un coin, de vieilles cartes routières de la région punaisées au mur entre deux affiches annonçant des évènements passés depuis des lustres, un aspirateur pris dans les toiles d’araignées, un vieux poêle de la marque Godin, finement ouvragé entouré de rondins de bois sec, un poste de télévision d’un autre temps, noir et blanc je suppose, qui pèse son poids, posé sur une large commode. Une porte à l’arrière donnant sur une sorte d’atelier, avec brouette, outils divers et quelques rouleaux de fils électriques.

Je me suis assis sur un banc tandis qu’Iris explorait la pièce. On organisait de grandes fêtes autrefois dans ce château. C’était il y a longtemps. Une photographie montre des centaines de personnes rassemblées dans la cour intérieure, pour admirer quelque spectacle costumé. Puis, il s’est passé quelque chose. Un homme, le propriétaire, s’est pendu dans une des tours. J’ai sûrement rempli quelques pages de mon carnet de notes dans cette tour. Les fêtes ont évidemment cessé après qu’il se soit pendu.

J’aime bien faire un tour là-haut, dans la forteresse, à la tombée de la nuit, voire plus tard encore. Je connais maintenant chaque marche qui mène à l’emplacement de l’ancien donjon, et ma chère Iris s’y sent manifestement comme chez elle. Bizarrement, quand on veut trouver un peu de solitude tout en sortant de sa tanière, c’est le meilleur endroit : comme l’accès est censément interdit, on n’y croise quasiment jamais personne – et les propriétaires vivent loin de ce château, et ne s’en soucient guère semble-t-il : peu de risque d’être réprimandé pour avoir violé leur propriété.