Le sentier qui grimpe depuis Busséol jusqu’au puy Saint-Romain file tout droit dans les sous-bois, pour sûr, il ne fait pas beaucoup de lacets : il y a un bout de temps que je ne m’étais pas frotté à une pente pareille, et, ma foi, je préfère de loin y aller à pied qu’à vélo. J’ai arrêté de fumer (quasiment arrêté, jusqu’à la prochaine fois) depuis début novembre, et cette petite ascension me sert d’épreuve : je prends mon pouls arrivé sur le petit plateau herbeux avant le sommet – c’est à peine si je suis essoufflé. Comme j’expliquais au cardiologue qui s’étonnait des résultats de mes tests (“Vous avez des poumons d’un sportif de trente ans qui n’a jamais fumé”), c’est qu’en face de ces trente années de tabac, il y a aussi quelques dizaines de milliers de kilomètres à pied (et une adolescence d’athlète “de haut niveau”). Ça aide un peu. (“Mais c’est pas une raison pour continuer à ..” qu’il ajoute. “Je sais, je sais.”)
Là-haut, c’est tout givré sur la face nord. Savez-vous qu’ils appellent cette colline l’Everest de la Limagne (je l’ai lu sur Wikipedia) ?
Le vent souffle plein nord et les températures à peine positives rappellent que nous sommes tout de même en hiver. Autour de la vallée de l’Allier, en contrebas, tous ces villages et ces villes, reliés par des dizaines de routes. Les environs sont densément peuplés, entièrement anthropisés, tout est sous contrôle. Je n’aimerais pas vivre ici, de ce côté, à l’ouest. Je me sens mieux sur le versant Livradois, à l’est, où les habitations humaines se font plus rares – les forêts ne sont pas moins anthropisées cela dit, mais on peut rêvasser plus aisément à quelques endroits sauvages. Les humains me fatiguent, c’est évident. Ils prennent trop de place et quand ils n’y sont pas, ne manquent pas de laisser les traces de leur présence passée. Je peux sans doute m’accommoder des vestiges, ils rassurent en un sens, m’évitent de me dissoudre entièrement dans le non-humain, d’être emporté par quelques esprit prédateur, mais ils me lassent aussi parfois.
