Attendre la neige en lisant Pynchon

Les gouttes de pluie dégoulinent sur la fenêtre. Je scrute compulsivement les cartes météorologiques. Ambiance tendue. J’ai encore perdu un kilogramme cette semaine. J’attends la neige. L’attente de la neige me paralyse. Le refuge, dans lequel le personnage de mon futur livre est pour ainsi dire piégé, blanchit à vue d’œil, mais c’est là-haut, sur les sommets, et dans mon imagination. Le personnage et son chien vont goûter la neige, il enfonce un doigt dans la neige, le chien y va d’un coup de langue. Pensez ! Ça va faire dix ans qu’il n’a pas neigé. Dans le livre, je veux dire : dix ans. Ici, là, maintenant, l’hiver ne ressemble plus à grand chose, mais il neige de temps à autre. Attendre, je n’aime pas bien. J’ai attaqué Mason & Dixon de Pynchon. Il y a un chien qui parle. Il m’a paru évident que dans mon livre, il faudrait également un chien qui parle. J’avais d’abord pensé à un gars tout seul là-haut, puis je l’avais augmenté d’un chien, et maintenant, je suis incapable de penser à autre chose qu’un chien qui parle. Un livre devient le creuset des obsessions, passées, présentes et à venir, la neige et les chiens, et aussi, pourquoi pas, et pourquoi pas devient déjà une nécessité au fur et à mesure que j’autorise cette pensée à faire sa place dans mon esprit, le traité des premiers principes de Damascius. Parce qu’il faut un vade-mecum tout seul là-haut le jour de l’apocalypse, et ce traité devrait convenir, l’ultime pensée antique, un effondrement dans l’abîme, un dernier regard en arrière, un millénaire au bas mot de philosophie, avant de faire le dernier pas et de s’éteindre. (la question n’est déjà plus : comment vivre dignement ?, mais : comment s’éteindre dignement ?)