À fond de cale

Il s’agirait de bricoler à la va-vite un consensus minimal (voter EM) afin d’éviter le pire. Mais cette fois, c’est beaucoup plus compliqué. Il faudrait avoir vécu sur la Lune pour croire à ce “nous”, ce “peuple de gauche” dont il ne reste en réalité plus grand chose. (1/19)
Il est d’une certaine manière bien trop tard : des décennies néolibérales ont désagrégé les gauches, et creusé les différences. À commencer par les inégalités au sein même des groupes qui se revendiquent encore “de gauche” (2/19)
je parle ici d’inégalités bien réelles, socio-économiques, qui font une énorme différence quand vous vous présentez (ou pas) devant l’isoloir. Pour les gens de condition aisée, qui peuvent tout à fait être sincèrement de gauche, là n’est pas la question, (3/19)
il s’agit de lutter pour leurs idéaux. Pour les plus précaires, ceux qui ignorent de quoi sera fait le lendemain, voter EM, ça peut être défendre ses idéaux, certes, mais c’est aussi se tirer une balle supplémentaire dans la tête. (4/19)
Le gauchiste aisé, si EM est élu, n’a pas grand chose à perdre, et même : il a, du point de vue de son intérêt, tout à y gagner. Pour le gauchiste précaire, c’est sa peau qu’il joue, et quoiqu’il fasse, il perdra, forcément. (5/19)
J’ai discuté avec beaucoup de gens ces derniers jours, dont l’engagement depuis toujours est incontestable, des gens comme moi, dont les revenus sont modestes ou pire. Tous s’abstiendront excepté deux amis dont les parents sont nés au Maghreb. (6/19)
Ils disent en substance : “ça suffit”. On nous en a trop fait. Il est trop tard. Si la gauche en est là, ce n’est pas de notre faute, mais celle des gens qui ont prétendu l’incarner. On nous prend pour des imbéciles comme s’il fallait nous expliquer qui est Le Pen etc. (7/19)
Comme toujours on prétend nous enseigner, nous qui ne sommes rien, la démocratie. Qu’ils aillent se faire foutre. Trop tard. Ils se souviennent de la loi travail de Hollande et de son ministre de l’économie. Ils ont de la mémoire. Ils savent de quoi ils parlent (8/19)
L’immense navire de croisière qui pourfend les eaux du capitalisme prend l’eau depuis longtemps. Les passagers du pont supérieur, soudainement inquiets, sortent de leurs cabines de luxe et ordonnent aux soutiers qui croupissent dans les cales, (9/19)
de colmater encore une fois les brèches. Les soutiers, qui eux vivent déjà dans les eaux putrides, refusent poliment. Cette fois, ne comptez pas sur nous pour évacuer vos ignominies. Si le navire coule, ce sera terrible, (10/19)
mais quelle reconnaissance aurons-nous de votre part pour avoir une fois encore sauvé votre peau ? Aucune. Ce sera de toutes façons pire pour nous, dans les cales insalubres. Et vous pourrez continuer à vous goinfrer dans vos cabines de luxe. (11/19)
Il est bien trop tard pour fabriquer un “nous” : le néolibéralisme a réussi son coup – diviser pour mieux régner. Et les représentants de la gauche se sont montrés comme à l’habitude d’une nullité crasse. (12/19)
Le néolibéralisme a gagné en précarisant l’ensemble de travailleurs, les corps et les âmes, et surtout les plus pauvres, en ruinant toute espérance d’un monde plus juste. Il a gagné en imposant même à ses soi-disant opposants ses éléments de langage : (13/19)
Et que je glose sur le “travail pour tous”, et le “pouvoir d’achat”. Augmentez le Smic tant que vous voudrez, ça n’y changera rien. Arrêtez de nous prendre pour des imbéciles, ça ne prend plus. Voilà ce que j’entends dans mon village et chez mes proches. (14/19)
Les patrons et les actionnaires se marrent bien et se frottent les mains quand la gauche leur “oppose” (c’est pathétique quand on y songe) un travail pour tous pour consommer à sa guise. Les libéraux doivent pouvoir s’arranger avec ce genre de revendication. (15/19)
La gauche est nulle, et ça ne date pas d’hier, n’a pas osé combattre de front le néolibéralisme (à peine si elle l’a vu venir dirait-on parfois), et maintenant, ses représentants voudraient nous faire la leçon ? (16/19)
Alors quoi maintenant ? Une fois ce sale moment à passer (voter EM) il y aura un autre combat, dans la rue ! Quelle blague. qui peut croire un seul instant que dans l’état où se trouve les gauches il puisse en sortir autre chose que des révoltes fragmentées, (17/19)
des revendications confuses ? La seule chose certaine, c’est que beaucoup y perdront un œil, un bras, et sans doute quelques-uns la vie. Alors quoi ? Attendre 2027 ? Et qui vous dit qu’en 2027 ça puisse ne pas être pire ? (18/19)
Le néolibéralisme et la nullité de la gauche ont engendré et alimentent l’extrême droite, la xénophobie, le fascisme. Si les gauches ne se mettent pas au boulot maintenant, il y a fort à parier que le pire est encore devant nous. (19/19)